Virage vert au municipal

Reflet de l'urgence climatique, le thème de l'environnement aura été sur toutes les lèvres lors de cette dernière campagne électorale municipale. Un nombre record d’élus écologistes feront d’ailleurs leur entrée aux conseils municipaux à travers le Québec.
Par Sandrine Côté et Daphné Chamberland
Les efforts de la mobilisation citoyenne Vague écologiste au municipal auront porté leurs fruits, se réjouit d’emblée sa porte-parole bénévole Marianne Renauld Robitaille, en entrevue avec L’Atelier au lendemain du scrutin municipal du 7 novembre 2021. Ce réseau non partisan, fondé en avril 2021, s’était alors donné la mission d'« encourager, de former et de recruter des candidats écologistes au municipal », explique-t-elle.
Quelque 150 candidats aux dernières élections municipales ont adhéré au mouvement Vague écologiste au municipal et en ont signé la déclaration, les engageant à mettre l'environnement au cœur de leurs priorités. Sur ce nombre, 76 ont été portés au pouvoir, et ce, dans plus 57 municipalités réparties dans 13 régions du Québec. « Pour moi, c'est signe que les temps changent », s’enthousiasme Mme Renauld Robitaille.
L'urgence d'agir
Peu abordé lors des précédentes élections municipales, l’environnement est devenu cette année un enjeu incontournable à travers les diverses municipalités québécoises. « On a commencé à parler plus d'environnement lors de cette campagne, parce qu'on a commencé à voir davantage les impacts des changements climatiques dans nos milieux. Au Canada, il y a des canicules, des inondations et des tornades. Les municipalités sont frappées de plein fouet », signale Mme Renauld Robitaille.
Elle poursuit : « On commence à réaliser que les villes ne sont pas prêtes à subir tous ces évènements météorologiques extrêmes qui sont appelés à augmenter avec les changements climatiques. Il y a un éveil graduel [des électeurs]», croit-elle.
Le champ d’action des villes
« On dit souvent que la municipalité est le gouvernement le plus proche de nous et celui qui a les impacts les plus concrets. Dans les compétences des municipalités, il y a plusieurs outils puissants pour amorcer une transition écologique », affirme Nicolas Lemire, qui s’est présenté à la mairie de Laval au dernier scrutin municipal. Le candidat indépendant de 25 ans — qui a fait le saut en politique d'abord et avant tout pour défendre ses convictions environnementales — a également noté l'omniprésence des enjeux écologiques lors de cette campagne électorale.
Les questions environnementales ont souvent été reléguées au second plan sur la scène municipale, se désole M. Lemire, et ce, malgré le pouvoir « considérable » des municipalités dans la lutte contre les changements climatiques. « Le meilleur moment pour envisager une ville plus verte, c’était hier. Le deuxième meilleur moment, c’est aujourd’hui! », lance-t-il. Entre protection des milieux naturels, transport collectif, gestion des déchets, qualité de l’eau du robinet, verdissement et aménagement des quartiers, bien des enjeux environnementaux dépendent des municipalités, rappelle-t-il.
Les villes ont un aussi un rôle à jouer afin d’inciter les citoyens et les entreprises se situant sur leur territoire à adopter des comportements plus verts, ajoute l’urbaniste Juste Rajaonson, professeur au Département d'études urbaines et touristiques de l’UQAM. Elles peuvent, par exemple, réduire les tarifs du transport en commun pour encourager leur population à l’utiliser davantage.
Des changements locaux
« L'environnement, ça a quelque chose de rassembleur. Étant donné que ces changements s'opèrent à une échelle très locale, les citoyens sont fortement interpellés et touchés [par les questions environnementales] », relève Nicolas Lemire.
Marianne Renauld Robitaille note également que « le changement doit passer par les villes, peut-être plus que par les paliers supérieurs. Au fédéral et provincial, c'est plus difficile de comprendre pour monsieur et madame Tout-le-Monde quelles sont les mesures de lutte aux changements climatiques. Dans les villes, c'est plus évident en quoi les mesures qui sont prises ont un impact dans leur milieu de vie ».
Des exigences plus élevées
« L’une des conséquences de la pandémie, c’est que la population a constaté que les municipalités ont beaucoup de pouvoirs facilitant certains projets », souligne Juste Rajaonson, en citant l'exemple de Montréal ayant mis rapidement en place des trottoirs élargis au début de la crise sanitaire, lors du printemps 2020. « Avec le contexte de la pandémie, on a vu que les municipalités peuvent se mobiliser très rapidement. Je crois que ça va rendre les gens plus exigeants [quant aux mesures environnementales] », prédit l’urbaniste.
Marianne Renauld Robitaille se dit également optimiste face à l'avenir des initiatives environnementales sur la scène municipale. La militante écologiste émet cependant une mise en garde : l’environnement ne doit pas devenir une question électorale instrumentalisée, permettant aux aspirants candidats de récolter des voix. « Les citoyens doivent continuer de faire pression sur leurs élus [après les élections], car l'environnement, c’est une question de bien-être collectif et de survie », conclut-elle.