Valérie Plante s’attaque au désert de logements sociaux à L’Île-des-Sœurs

Valérie Plante s’attaque au désert de logements sociaux à L’Île-des-Sœurs
L'île-des-Sœurs - Maude Ravenelle

En vigueur depuis avril 2020, le Règlement pour une métropole mixte (RMM), proposé par la mairesse Valérie Plante, réélue le 7 novembre, prévoit d’intégrer des logements plus accessibles au sein des nouveaux projets immobiliers. À L’Île-des-Sœurs, quartier aux revenus élevés, une telle politique semble difficilement applicable.

Par Augustin de Baudinière et Maude Ravenelle

Afin de lutter contre la crise du logement, Valérie Plante et Denis Coderre ont présenté deux plans qui s’opposent. En conservant le RMM, la mairesse, qui vient d’entamer son deuxième mandat, a annoncé l’insertion de 20 % de logements sociaux et autant de logements abordables et familiaux dans les projets immobiliers de plus de 5 portes, soit 450 m2 environ. Ces derniers seront ajustés en fonction des secteurs de la Communauté Métropolitaine de Montréal.

Un manque d’accessibilité au logement

À L’Île-des-Sœurs, en 2018, plus de 40 % des locataires ont dédié un tiers de leurs revenus pour se loger selon les statistiques du recensement de 2016. De plus, la moitié des immigrants demeurent dans ce cas. La même année, l’île recevait 38,7 % d’entre eux dans l’arrondissement de Verdun tandis qu’aucun logement social n’est encore disponible sur l’île.

L'île-des-Sœurs - Maude Ravenelle

Certains d’entre eux ne pourront de toute façon pas à accéder aux logements sociaux en construction puisque ces derniers sont réservés aux citoyens et aux résidents permanents. « On est vulnérable alors que la majorité des gens qui arrivent ici sont des médecins, des avocats, des ingénieurs, des infirmiers », indique la présidente de la Maison d’Accueil des Nouveaux Arrivants (MANA), Yajanna Pupo.

Ces difficultés s’expliquent par le fait que tous les logements sont pratiquement tous occupés. D’autre part, le monopole des locations acquit par Structures Métropolitaines Inc. (SMI) stimule le prix des loyers tandis que les logements proposés restent souvent très modestes.

En outre, les promoteurs pourraient choisir de payer une pénalité pour pouvoir bâtir un logement privé plutôt que de respecter le RMM selon Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal (UdeM). « Pour l’instant, les promoteurs préfèrent fabriquer des logements à mettre en vente sur le marché qui s’adresse au reste de la population plutôt que ceux qui s’adressent aux ménages à plus faibles revenus qui nécessitent des subventions et des paramètres particuliers », précise-t-il.

De plus, la ville semble favoriser la mise en place de logements abordables dans des immeubles qui doivent abriter les deux. Selon Le Devoir, les promoteurs ont versé 25,8 millions de dollars de compensation pour ne pas s’être conformés à l’ancienne stratégie d’inclusion de la Ville de Montréal ces dix dernières années. Cette somme permettrait de construire seulement une centaine de logements sociaux actuellement. Selon Jean-François Morin, chef de division de développement du logement abordable à la Ville de Montréal, un promoteur a plus d’intérêt à monter une unité de logement social dans un projet privé important que dans un édifice de cinq portes. « Plus le projet gagne en ampleur, plus l’idée de la contribution financière est dissuasive parce que ça devient vraiment beaucoup plus cher que de réaliser un projet clefs en main », explique-t-il.

Une progression démographique préoccupante

Habitante de l’île depuis 35 ans, Geneviève Guay s’inquiète de l’essor démographique qu’impliquerait l’exécution de ce plan. En effet, selon un document officiel de la ville, 2635 logements supplémentaires doivent voir le jour sur la Pointe-Nord. Ceci causerait une augmentation de 50 %de la population puisque 300 logements abordables et 600 logements sociaux devraient être érigés dans ce secteur.

Même si elle reste ouverte à leur développement, l’insulaire déplore le fait qu’un débat public n’ait pas encore été organisé. « Il faut espérer que la ville, le promoteur ou l’arrondissement vont faire une campagne pour expliquer ce qu’est ce projet-là pour que les gens le comprennent bien, qu’il soit bien accueilli, et bien intégré », ajoute-t-elle.

De son côté, le gouvernement ne souhaite pas construire d’habitations à loyer modique puisque leur gestion est difficile. Il préfère donc subventionner les promoteurs pour profiter de leurs outils et de leurs ressources. « Les promoteurs immobiliers sont davantage capables d’aller chercher les méthodes qui vont faire en sorte qu’on va livrer un logement moins cher », précise Jean-Philippe Meloche.

Geneviève Guay confie être également préoccupée par la hausse de l’utilisation des transports qui provoquerait selon elle une insécurité à l’entrée et à la sortie du réseau routier de l’île. Située au centre de l’autoroute 10, au nord de l’Île-des-Sœurs, la station du REM pourrait cependant résoudre ce problème si la population augmente.

L'île-des-Sœurs - Maude Ravenelle

Tandis qu’elle manque d’équipements collectifs, l’île pourrait aussi souffrir de l’absence de structures scolaires suffisantes pour accueillir des écoliers de plus en plus nombreux. « On attend une troisième école depuis cinq ans, mais elle n’arrive pas. Ils vont nous donner les deux premières années du secondaire, mais ils n’ont pas commencé à penser qu’on aurait besoin du secondaire complet parce qu’il y a beaucoup d’enfants », conclut Mme Guay.