Une transition laborieuse
Joe Biden se verra confier un pays fondamentalement divisé
Alors que le président sortant Donald Trump refuse toujours de concéder la victoire au président élu Joe Biden, plusieurs incertitudes planent autour de la transition des pouvoirs dans une Amérique particulièrement fragmentée.
La concession de Donald Trump est-elle nécessaire pour permettre une transition efficace des pouvoirs?
« Il faut absolument que Trump coopère pour que la transition des pouvoirs soit optimale », avance la chercheure associée à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, Amélie Escobar, rappelant que, traditionnellement, ce passage est mené par le président sortant. C'est une « transition qui s'annonce chaotique », ajoute le chercheur en résidence de cette même Chaire, Julien Tourreille.
« Tant et aussi longtemps que Trump s'obstine dans les démarches judiciaires pour faire arrêter les décomptes ou contester les résultats des dépouillements de vote, [la transition] risque de prendre du temps », soutient Mme Escobar. Elle croit que ces requêtes pourraient compliquer la transition des pouvoirs jusqu'au moment où les grands électeurs déclareront officiellement Biden élu lors d'un vote le 14 décembre prochain, ce qui laisserait peu de temps au démocrate pour préparer son entrée officielle au pouvoir le 20 janvier prochain.
Joe Biden peut-il tout de même être prêt à présider dès le 20 janvier?
L'opposition de Trump « n'est pas un handicap majeur pour Joe Biden », soutient M. Tourreille, qui souligne que son expérience dans la Maison-Blanche aidera fortement celui qui a été vice-président sous Barack Obama entre 2008 et 2016. Le démocrate a maintenu en conférence de presse mardi que son entrée au pouvoir est déjà en préparation. Il considère également que l'entêtement de Trump est « source d'embarras » et « ne servira pas l'héritage du président. »
Quel est l'objectif de Trump en enclenchant des procédures judiciaires?
Selon Mme Escobar, il s'agit d'une tactique pour mettre en doute la légitimité de l'élection alors qu' « aucune preuve tangible n'indique qu'il y ait eu une fraude dans le système électoral. » Son « égo démesuré » avait indiqué qu'il n'accepterait pas la défaite, estime la chercheure. Trump scande que l'élection ait été frauduleuse, mais ne revendique pas la légitimité des sièges remportés par les républicains, toutes législatures confondues, fait remarquer la chercheure, qui souligne ces « incohérences ».
Les deux chercheurs considèrent que Trump est motivé par la suite de sa carrière politique, sur laquelle il n'a pas mis une croix. « Il entretient l'idée auprès de sa base militante ultra-fidèle qu'on lui a volé l'élection afin de préserver sa pertinence sur la scène politique américaine », évalue M. Tourreille. De nombreux républicains auraient peur de reconnaître publiquement la défaite, favorisant ainsi leurs propres intérêts politiques, présume le chercheur en résidence.
Biden sera-t-il capable de réunifier la société américaine comme il l'a souhaité dans son discours de victoire?
Mme Escobar est d'avis que, malgré les intentions unificatrices de Biden, la fragmentation de la société américaine perdurera longtemps. « Les divisions ne sont plus tant sur des enjeux électoraux, mais davantage sur des positions idéologiques de valeurs morales », dit la chercheure, qui juge qu'on assisterait à un affrontement entre deux identités américaines opposées.
M. Tourreille pense que la réunification peut fonctionner si les deux camps y contribuent. « Le principal défi de Biden sera d'établir un climat de dialogue » avec les républicains, mais aussi avec le côté plus à gauche chez les démocrates, juge-t-il.