Une musulmane prolaïcité
Le procès sur la Loi sur la laïcité de l'état se poursuit au palais de justice de Montréal. Après avoir entendu les témoignages s'opposant à la Loi 21 la semaine dernière, le juge Marc-André Blanchard entend aujourd'hui des témoins en faveur de la laïcité de l'État.
Tunisienne d'origine, la professeure en informatique à l'Université de Montréal et mère de famille, Nadia El-Mabrouk, une militante prolaïcité, était la première appelée à la barre ce matin. Ayant grandi en Tunisie dans la religion musulmane, elle affirme avoir vécu la montée de l'« islam intégriste ». S'opposant ouvertement au port du voile islamique dans les institutions publiques, Mme El-Mabrouk fait du milieu de l'enseignement son champ de bataille.
La place de la religion à l'école
« Je m'attends des enseignantes qu'ils respectent leur devoir de neutralité religieuse de faits et d'apparence », lance Mme El-Mabrouk en ouverture. En d'autres mots, la mère de deux jeunes garçons s'attend à ce que les enseignants ne fassent pas preuve de favoritisme à l'égard d'une religion en arborant un signe, tel qu'il soit, afin de préserver un « climat d'apprentissage sain » et de ne pas influencer les enfants.
Mme El-Mabrouk croit les principes moraux que transmettent les écoles doivent être ceux de la Charte des droits et libertés, de même que ceux de la mission pédagogique de l'école et des valeurs consensuelles de la société québécoise de 2020.
Elle lance également que dans la société pluriethnique et multiculturelle dans laquelle nous vivions, où il y a des enfants avec des origines multiples, les signes religieux n'ont pas leur place dans les institutions d'enseignement, hormis dans un cadre scolaire comme le cours d'éthiques et cultures religieuses, qui devrait toutefois être révisé selon elle.
Le voile : vecteur de sexisme
Étant elle-même musulmane, Nadia El-Mabrouk s'est beaucoup plus attardée sur le port du voile islamique, pratique qu'elle connaît davantage, et qu'elle dénonce haut et fort. Pour elle, le fait de porter un voile va beaucoup plus loin que le morceau de tissu : « le voile, ça transmet un message que la femme doit se cacher les cheveux pour ne pas attiser le désir de l'homme ». Qualifiant ce message d'insultant, pour tout sexe confondu, et de sexiste, Mme El-Mabrouk ne justifie pas du tout sa place dans les établissements scolaires publics. Toutefois, elle ne voit aucun inconvénient à ce que les enseignantes le portent hors de leur milieu de travail, si tel est leur choix. Il en va de même pour les autres signes religieux.
« L'école n'est pas au service des enseignants »
Certains parents peuvent avoir vécu des expériences très douloureuses avec des religions, rappelle celle qui est passée près d'adopter le voile à 14 ans, dans sa Tunisie natale. Son père l'en a toutefois dissuadée et la jeune fille que Nadia était dans les années 1980 n'a pas cédé sous la pression sociale. Aujourd'hui, elle associe le port du voile au sexisme, à la supériorité des hommes et à la soumission de la femme, message qu'elle refuse d'endosser.
« L'éducation religieuse des enfants, ça appartient aux parents », dit Nadia El-Mabrouk en rappelant que les enfants passent leurs journées à l'école et que comme l'enseignant est le substitut du parent, il a le devoir d'être neutre.
Encadré
La Loi 21, c'est quoi?
Adoptée en juin 2019 par l'Assemblée nationale du Québec, la Loi 21 interdit le port de signes religieux aux employés de l'État en position d'autorité comme les médecins, les juges ou les agents correctionnels par exemple, ainsi qu'aux enseignants du réseau scolaire public.