Raconter le corps dépouillé de ses identités

Dans sa dernière exposition, l'artiste visuelle Naghmeh Sharifi distille la relation entre culture et posture.

Raconter le corps dépouillé de ses identités

Sobriété et dépouillement sont au cœur de l'exposition de l'artiste canado-iranienne Naghmeh Sharifi, qui dévoile le corps dénué de ses identités géographiques et culturelles à travers l'encre, le papier, mais aussi les installations sculpturales.

Pour moi, c'était intéressant d'aller à la rencontre d'une forme d'identité plus fluide, pas attachée à un pays d'origine, donc plus transitoire.« - Naghmeh Sharifi

"Pour moi, c'était intéressant d'aller à la rencontre d'une forme d'identité plus fluide, pas attachée à un pays d'origine, donc plus transitoire", raconte la lauréate du Conseil des arts de Montréal en tournée pour l'année 2020-2021. L'exposition To live as an organ within oneself est présentée à la Maison de la culture de Côte-des-Neiges jusqu'au 2 mai.

C'est lors d'une résidence artistique en Macédoine que l'idée du projet lui est venue. Les Roms, population marginalisée d'Europe de l'Est, ont particulièrement inspiré l'artiste, qui a vu ses réflexions sur l'identité et sur la nationalité complètement chamboulées.

La vie à travers le vide

"Ça a été le point de départ de cette série de dessins, parce qu'il y avait comme une liberté, ou une différence, dans le comportement physique que je voyais", décrit l'artiste. C'est alors qu'elle a choisi d'explorer le corps en tant que lieu de mémoire.

Celle qui a aussi un baccalauréat en psychologie des beaux-arts de l'Université de Colombie-Britannique et une maîtrise en peinture et dessin de l'Université Concordia considère que cette exposition lui permet de réunir deux de ses intérêts parallèles.

"C'est vraiment le corps, comment le corps définit une identité, en relation avec un autre corps", évoque-t-elle en entrevue. En se basant sur des photos d'archives et dans un esprit de respect culturel, l'artiste a choisi de dissimuler les visages, de biffer les repères géographiques, d'amplifier la neutralité par des fonds noirs ou blancs sur lesquels ne se distinguent finalement que des silhouettes, fluides et floues, comme inachevées et, pourtant, criantes de vie.

"Si on enlève tout ce qui est superflu, qu'est-ce qu'on voit d'un individu? Qu'est-ce qu'on a en commun, et qu'est-ce qui nous distingue?", se questionne-t-elle. L'ambiance feutrée de la Maison de la culture de Côte-des-Neiges, ouverte malgré des rénovations, favorise la communion avec l'œuvre. L'exposition sera aussi présentée à Verdun, à Mercier et à Rosemont.