Projet P : le pénis raconté par les femmes
Projet P : Quinze femmes qui parlent de pénis est le fruit du travail de quinze femmes qui partagent leurs expériences et leur point de vue sur l'organe masculin dans un collectif. Karine Glorieux, idéatrice du projet et directrice du collectif, explique la démarche.
Vous êtes une autrice spécialisée dans la littérature jeunesse et dans les livres pour enfants. Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre? D'où vous est venue l'idée d'écrire sur l'organe génital masculin?
« J'avais un besoin d'écrire ce livre. Je voulais donner la parole aux femmes. Il y a des centaines de livres écrits par des hommes qui traitent de la sexualité féminine, mais l'inverse n'est pas vrai. Des livres écrits par des femmes qui parlent de pénis, il n'y en a pas des tonnes! Vous écrivez sur notre corps, pourquoi on ne pourrait pas écrire sur le vôtre? Pour moi, c'était naturel que ce soit écrit par plusieurs femmes. »
Projet P est un recueil collectif. Pourquoi était-il important pour vous que plusieurs femmes participent à son écriture?
« Chaque personne, homme ou femme, a une expérience différente avec les hommes, donc par le biais avec les pénis. L'idée est de montrer qu'il n'y a pas une seule bonne manière de vivre avec le sexe opposé et que chacun à ses failles. Il faut apprivoiser l'autre et apprendre à le connaître. Selon moi, il ne fait nul doute qu'aucune image n'est plus puissante que celle de quinze femmes, unissant leur force, pour écrire sur l'homme. Pour nous, cette écriture était nécessaire. »
Écrire sur la sexualité masculine était-il un prétexte pour écrire sur les hommes?
« Un peu! (Rire) Ce n'est pas une attaque envers le sexe opposé, contrairement à ce que certains peuvent croire. C'est même le contraire : c'est une invitation au dialogue. Oui, ce sont des textes féministes, on ne va pas se le cacher, mais c'est beaucoup plus que ça! C'est fait dans le respect et avec beaucoup d'empathie. L'idée n'est pas de rabaisser l'autre, mais vraiment de permettre aux lecteurs et lectrices de mieux connaître l'homme, par le biais de différents témoignages. »
Comment le livre est-il reçu?
« Bien…et mal, je m'explique! Beaucoup d'hommes de mon entourage étaient fâchés. Ils se disaient même outrés que des femmes osent écrire sur quelque chose qu'elles ne connaissent pas, qui ne leur appartient pas. Et pourtant, quand on y pense, les hommes écrivent sur le vagin et parlent du vagin depuis toujours! Ça me fâche qu'encore à ce jour, les hommes puissent analyser les femmes sans que personne ne remette en question leur démarche, mais quand c'est l'inverse, tout le monde est outré! C'est le juste retour du balancier. »
À quoi peut-on s'attendre dans Projet P?
« J'aborde la vasectomie de mon conjoint, en douceur et en transparence. J'y ai assisté et quand je le dis aux gens, ils ont beaucoup de difficulté à comprendre. Mais d'un autre côté, mon conjoint était présent lors de mes trois accouchements, donc pour moi c'était naturel d'être là pour lui durant ce moment. Sinon, problèmes érectiles, agressions, jeux de rôles, transsexualité, pression associée à la performance, premières expériences sexuelles et micropénis sont quelques-uns des sujets qui sont abordés dans notre recueil. Les autrices ont mis la main à la pâte en se basant sur leur propre expérience. »
2020 est synonyme de changements, de révoltes et de rejet de conventions. Dans cette optique, que croyez-vous que ce livre apporte?
« Chaque femme, chaque autrice, qui a participé à l'écriture du recueil a choisi son sujet. Certaines s'entrecoupent et se complètent, mais tout le monde amène sa touche personnelle et c'est ce qui rend le recueil si unique et intéressant selon moi. On aborde l'aspect plus technique de la chose, il y a aussi des anecdotes d'expériences personnelles, bonnes comme mauvaises. On aborde le temps d'une nouvelle la transsexualité et la manière dont un pénis peut changer notre rapport au monde. Le côté plus péjoratif et sombre, associé aux agressions physiques, est abordé. Et aussi les préjugés, et ce qui est attendu d'un homme, pour qu'il soit considéré comme " un vrai gars ". Donc c'est très actuel comme contenu, tout en demeurant assez intemporel dans ses thèmes. Nous croyons que Projet P est très approprié en 2020 et que c'est une lecture nécessaire qui parle à tous, sans jugement et sans faire la morale non plus! Ce n'est pas un règlement de compte avec la gent masculine! »
Respect et transparence résument bien le livre selon Karine Glorieux. Ces éléments sont au cœur du recueil. L'autrice souhaite que Projet P permette d'ouvrir le dialogue entre les hommes et les femmes afin d'améliorer l'empathie entre les deux sexes et la compassion entre l'un et l'autre. Elle souhaite une longue vie à son ouvrage et espère que les gens sauront voir plus loin que la couverture afin de lui offre l'exposition qu'il mérite!