Privée de son droit de vote le jour des élections

Des électeurs canadiens atteints de la COVID-19 ont été contraints à s’isoler et s’abstenir de leur droit de vote, puisqu'aucune solution n'était offerte après la fermeture du vote par anticipation et par la poste. C’est notamment le cas d’une travailleuse de la santé au CHUM, fâchée qu’Élections Canada n’ait pas ajusté le tir.
Alors qu’elle soutient avoir ses deux doses de vaccin et qu’elle estime respecter les règles sanitaires, Alexandra Lafond, nutritionniste au CHUM, a reçu deux mauvaises nouvelles le matin même de la 44e élection au pays. Elle apprend qu'elle est infectée par le coronavirus et par le fait même, n'a pas le droit de voter pour éviter la propagation du virus.
«Cette année était l’année la plus importante pour moi d’aller voter, justement vu la crise sanitaire et la gestion de celle-ci, et on m’empêche d’y aller, car rien n’a été pensé pour les gens dans ma situation», explique Alexandra Lafond.
Sur son site web, Élections Canada mentionne que «depuis le mardi 14 septembre, les électeurs qui sont atteints ou pensent être atteints de la COVID-19 et qui n'ont pas déjà présenté une demande pour voter par la poste ne pourront pas voter».
«Ça me fâche énormément», s'exclame Mme Lafond. «On ne parle pas de quelques dizaines de personnes, mais des milliers de gens qui ne pourront pas exercer leur droit de vote, et ce, partout au pays», ajoute-t-elle
«Il est clair que nous [Élections Canada], on ne pouvait pas prévoir toutes ces situations-là», explique Pierre Pilon des relations médias chez Élections Canada.
Précisément, les électeurs qui ont contracté la COVID-19 depuis le 15 septembre et qui n'ont pas voté par anticipation, n’ont concrètement eu aucun mot à dire sur le résultat de cette élection. «Je pense qu'Élections Canada aurait pu trouver une solution pour accommoder les gens dans ma situation», croit Alexandra Lafond.
Droit de vote bafoué
L’Article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés mentionne que «tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales». Selon Hugo Cyr, professeur au Département des sciences juridiques de l’UQAM, il n’y a aucun doute qu’il y a atteinte au droit de vote garanti par la Charte. «Toutefois, les droits ne sont pas absolus», explique M. Cyr. «Il est possible de restreindre leur exercice par une règle de droit - dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique - en vertu de l’Article 1 de la Charte », renchérit M. Cyr.
«Ici, l’objectif de diminuer la propagation du virus est certainement suffisamment important», estime Hugo Cyr.
Le sentiment de l'incompréhension réside toujours en Alexandra Lafond, car le droit de vote est un droit fondamental de la société canadienne. «Je ne comprends pas que nous ne sommes pas capables de trouver une alternative avec la technologie que nous avons aujourd’hui, en sachant très bien que ça allait être un enjeu», renchérit Mme Lafond.
Aucune alternative possible
Des alternatives comme le vote électronique ne sont pas possibles, selon Hugo Cyr, notamment pour des raisons de sécurité.
«Aurait-on pu prévoir un autre type de bureau de scrutin, géographiquement séparé des autres, et réservé aux personnes diagnostiquées positives à la COVID-19?», se questionne M. Cyr.
Sans avoir l'expertise médicale nécessaire pour répondre à cette question, il estime que la possibilité d’organiser de tels bureaux dans chacune des 338 circonscriptions du Canada est plutôt irréaliste, «surtout dans un contexte où la main-d'œuvre fait déjà défaut pour s’occuper des autres bureaux». Hugo Cyr précise que les bureaux de scrutin sont très éloignés dans certaines circonscriptions qui couvrent d'immenses territoires, ce qui compliquerait énormément la tâche.
Alors que des électeurs n’ont pas été en mesure de voter, M. Pilon estime qu’Élections Canada a rempli son mandat. «Notre travail n'est pas de priver des électeurs du droit de vote, c'est plutôt de leur donner le plus d'options possible», soutient-il.
Nombre inconnu d'électeurs privés de droit vote
Alors qu'il n'y avait aucune option pour les électeurs infectés par le coronavirus de voter entre le 15 et le 20 septembre, le Canada a enregistré 21 999 nouveaux cas de COVID-19 lors de cette période.
Afin d'obtenir le chiffre précis sur le nombre d'infections confirmées chez les personnes âgées de 18 ans plus sur l'ensemble du pays entre ces dates, L'Atelier a contacté la Santé publique du Canada, mais cette dernière a refusé de répondre à nos questions.