Présidentielle aux États-Unis: Une campagne aux allures de référendum

On s'attend à un taux de participation record.

Présidentielle aux États-Unis: Une campagne aux allures de référendum

Englués dans une série de crises sanitaire, économique et raciale, les États-Unis sont dans la dernière ligne droite, ce 3 novembre, pour désigner qui du républicain Donald Trump ou du démocrate Joe Biden sera le locataire de la Maison-Blanche pour les quatre prochaines années. Le bilan de la bataille, aux antipodes, pour la Maison-Blanche dans une Amérique divisée.

Plus de six milliards de dollars ont été dépensés en campagne publicitaire durant ces élections. Avant ce mardi, plus de 93 millions de votes par anticipation ont été recensés. Républicains et démocrates ont joué sur plusieurs tableaux pour impliquer un grand nombre d'électeurs dans cette élection présidentielle.

Le spectre des crises

La planète tout entière a les yeux rivés sur cette 59e élection présidentielle – depuis la première, en 1788-1789 – des États-Unis. Et pour cause, cette élection pourrait prendre la tournure d'un " référendum ", estime Frédérique Verreault, chercheure et coordonnatrice de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand.

  • La COVID-19 aussi importante que l'économie

Différents enjeux peuvent justifier cette éventualité, mais les principaux sont l'économie, la santé et la tension raciale. La campagne électorale " a été fortement perturbée par la COVID-19. Et sur le plan des enjeux, elle est étroitement liée à l'économie. La question de l'économie a toujours été importante dans les élections. La COVID a fortement influencé [le secteur économique] alors, elle est forcément [une variable] importante ", poursuit Mme Verreault.

Pour mémoire, la première vague de la pandémie a plombé l'économie du pays. Les États-Unis sont entrés dans une récession après dix ans de croissance économique ininterrompue, avec un PIB qui a chuté de 4,8 %.

Depuis le début de la pandémie, plus de neuf millions cas positifs ont été déclarés dans le pays, dont 93 581, le 2 novembre. Et l'on déplore 231 477 décès. Le président sortant, Donald Trump, dont le slogan est de redonner au pays sa grandeur, a longtemps minimisé cette crise sanitaire, au point de suggérer la consommation de l'eau de javel, avant de se rétracter. Le fait que le président américain minimise volontairement l'impact de la pandémie est considéré comme " une insulte envers chaque personne qui souffre de la COVID-19 et chaque famille qui a perdu un être cher ", a fustigé Joe Biden le 28 octobre.

  • La police alimente la campagne

L'administration Trump a essuyé de nombreuses critiques au sujet de sa gestion de la pandémie, mais aussi sur la tension sociale qui a ébranlé le pays à la suite des bavures policières.

La communauté afro-américaine exacerbée par les bavures à répétitions de la police dénonce un racisme systémique. Le pays plonge dans une série de manifestations sociales. Les candidats à la présidence adoptent des positions bien tranchées. Le républicain, Donald Trump, " prône la loi et l'ordre [sans jamais condamner les dérapages de la police]. Il prône une ligne dure pour garder sa base électorale dans le Wisconsin [un État pivot], le Michigan, également ", résume Frédérique Verreault.

Dans la foulée des émeutes, Joe Biden déclare son intention de prendre une colistière, précisément une femme racisée. Il va porter son choix sur Kamala Harris qui ne fut pas tendre avec lui durant les primaires du Parti démocrate. Ce choix est mûrement réfléchi, avance Andréanne Bissonnette, chercheure en résidence, Observatoire de géopolitique et Observatoire sur les États-Unis.

Sur le plan des enjeux, la COVID-19 est étroitement liée à l'économie, Frédérique Verreault, chercheure et coordonnatrice de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand.

" D'une part, après une participation record en 2008 et 2012, les Afro-Américain.e.s ont moins participé aux élections en 2016. Bien qu'apprécié par la communauté afro-américaine, [Joe] Biden est loin d'être sans faute sur les enjeux raciaux, tel que l'a souligné Mme Harris durant les débats [à l'investiture du candidat démocrate]. Cette alliance entre les deux a ainsi une visée d'unifier le parti et ses coalitions électorales ", souligne Andréanne Bissonnette " De plus, Mme Harris a atteint une reconnaissance nationale en 2018, lors de la confirmation du juge Kavanaugh à la Cour suprême, notamment auprès des électrices. Elle est également plus jeune que Biden, un élément qui est particulièrement considéré dans le cadre de la présente campagne en raison de l'âge des deux candidats à la présidence. Dans la présente campagne, Kamala Harris a notamment été mobilisée pour tenter de séduire de nouveaux électorats dans des États traditionnellement républicains, mais dont la démographie change (Arizona et Texas), ainsi qu'au Nevada. "

La cour de récréation

Comme en 2016 – avec Hillary Clinton –, Trump a multiplié les attaques personnelles contre Biden tout au long de la campagne. Une stratégie qui a radicalisé davantage une frange de population états-unienne. Cette approche belliqueuse du républicain a dépeint sur le débat télévisé. Initialement, trois débats étaient prévus durant cette campagne. Après le premier qui fût " chaotique ", le second a été annulé. Et pour cause, Trump a été déclaré positif à la COVID-19. Par ailleurs, il n'y a réellement pas eu de faits déterminants dans ces débats, estime Mme Verreault. " Ces débats ont un impact moins important sur l'issue de l'élection. Donald Trump était un président extrêmement polarisant, donc la plupart des électeurs avaient déjà pris leur décision. D'ailleurs, le premier débat, qui est souvent le plus attendu, était chaotique et le second a été moins écouté, donc ils ont un impact moins important. "

La médiatisation tous azimuts

Tous les secteurs d'activités ont pris part, de différentes manières, à cette campagne électorale. La NBA a incité la population à jouer un rôle majeur dans ces élections avec des messages – Freedom, liberty, enough, vote – sur les chandails. Elle s'est davantage invitée dans cette campagne à la faveur d'une grève, le 26 août, pour dénoncer la brutalité policière. Les entreprises telles que Microsoft, Nike, Levi Strauss ou encore Pangonia martelaient également des messages similaires en utilisant tous les supports à leur portée, dont les yogourts. Les réseaux sociaux ont été les principaux canaux de propagande.

Tout au long de cette campagne présidentielle, le fossé s'est considérablement creusé entre les Trumpistes et le reste de l'Amérique à tel point que la période postélectorale suscite des appréhensions. Les États-Unis vont-ils sombrer dans le chaos ? Après ces nombreux jours à vanter leur programme, le 45e locataire de la Maison-Blanche, Donald Trump, et son adversaire, Joe Biden, attendent désormais de savoir qui aura la majorité des 270 grands électeurs pour occuper le Bureau ovale.

Quelques faits saillants de cette campagne électorale

  • Au total 24 candidat.e.s étaient en lice durant les primaires pour défendre les couleurs du Parti démocrate. Cela constitue un record dans l'histoire des États-Unis.
  • Le mercredi 4 mars : à la suite de sa défaite au Super mardi (Super tuesday), Michael Bloomberg se retire des primaires démocrates après avoir dépensé 500 millions de dollars pour sa campagne.
  • Le mardi 18 août : Joe Biden est officiellement investi par le Parti démocrate.
  • Le mercredi 26 août : la NBA entre en grève pour dénoncer une nouvelle bavure policière (mort de Jacob Blake).
  • Le jeudi 27 août : Donald Trump est officiellement candidat du Parti républicain.
  • Le vendredi 2 octobre : Donald Trump annonce sur Twitter que son épouse et lui sont positifs à la COVID-19.
  • Le mardi 29 septembre : premier débat entre Donald Trump et Joe Biden.
  • Le jeudi 22 octobre : deuxième et dernier débat entre Joe Biden et Donald Trump.
  • Le mercredi 28 octobre : Joe Biden vote par anticipation.