Plus vert, s'il vous plaît!
Coûteuse, expéditive et non désirée par la population canadienne : la campagne électorale fédérale qui s'est bouclée en début de semaine peut se voir accoler une tonne de caractéristiques, sauf peut-être celle d'avoir gravité autour du thème de l'environnement.
C'est du moins ce que constatent Daphné Daoust et Andréane Moreau, deux étudiantes rencontrées par L'Atelier qui accordent toutes deux une grande importance à la sauvegarde de la planète. Elles sont loin d'être seules : le journal Métro rapportait à la mi-septembre qu'un peu plus de la moitié des Québécois âgés de 18 à 34 ans considère que l'environnement a été trop peu présent dans la campagne électorale. Tous âges confondus, on parle plutôt d'une proportion de 45%.
Du côté de Radio-Canada et de sa populaire boussole électorale, des constats similaires semblent se dessiner. Les répondants et répondantes ont été plus nombreux à mettre l'environnement en tête de lice de leurs priorités, avant le coût de la vie. Pourtant, Andréane Moreau, qui milite dans les rangs de La planète s'invite à l'Université Laval, juge que l'enjeu n'a pas occupé une place qui « reflète l'urgence de la situation ».
Or, ce ne sont pas les exemples concrets de la dégradation de la planète qui manquent. Feux de forêt, records de chaleur et inondations ont – entre autres – sonné l'alarme d'une situation grave que le milieu scientifique prédit depuis des années.
Parler, oui, mais agir?
Pourquoi, alors, les inquiétudes citoyennes ne se reflètent-elles pas dans le discours des chefs de partis fédéraux? La professeure au Département de science politique spécialisée en environnement Maya Jegen explique en partie cette frilosité par le caractère changeant de la sphère politique. « Un mandat de deux ou quatre ans n'est pas assez long pour que les dirigeants instaurent des mesures fortes. Le temps les rattrape », indique-t-elle. Un point de vue que partage Daphné Daoust, étudiante en médecine à l'Université de Montréal impliquée dans la cause environnementale. « Ils veulent juste rester au pouvoir », soupire-t-elle au sujet des dirigeants.
Encore faut-il aussi tracer la ligne entre une promesse électorale et la faisabilité de sa mise en œuvre. Certains partis sont plus audacieux que d'autres lorsqu'est question d'environnement. Cependant, parler ne rime pas indubitablement avec agir. Le Parti vert, à titre d'exemple, a promis de réduire de 60% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Les moyens pour y arriver, comme le rapportait à la mi-septembre Le Journal de Montréal, sont restés flous.
Les promesses en l'air sont source d'exaspération pour Daphné. La jeune femme, par le biais de la consommation et du transport, agit quotidiennement pour limiter son empreinte environnementale. Sans politiques musclées, toutefois, les gestes individuels ne suffisent pas pour enrayer les problématiques climatiques auxquelles la Terre fait face. « Je sais que je ne changerai pas le monde », lance-t-elle sans détour. Une lucidité qui ne l'empêche cependant pas de poursuivre sa lutte.
Interpeller les jeunes
Ce sont les mêmes sujets controversés relatifs à l'environnement – la plantation d'arbres promise par Justin Trudeau, le 3e lien Québec-Lévis – qui ont joué en boucle pendant la campagne, remarque Andréane. Une opportunité manquée, à son avis, d'aller choper plus de votes chez ceux et celles qui ont le cœur peint en vert.
Force est d'admettre que l'électorat qui priorise l'environnement est aussi le plus jeune. Selon Mme Jegen, les chefs auraient pu faire plus pour le courtiser. « En plus, on sait que ce sont eux qui votent le moins », ajoute la professeure. La pandémie de COVID-19 a montré que des efforts soutenus et ciblés peuvent être déployés vers une cause précise, évoque-t-elle comme parallèle. « Poser des actions à grande échelle est possible : on l'a vu cette année », affirme Mme Jegen.
Le cap vers l'avant
Bien que les femmes interrogées par L'Atelier ressentent de la déception face à la campagne électorale, elles refusent de laisser place au cynisme. « On a aussi une grande part de responsabilité comme citoyens et citoyennes », note Daphné. Selon l'étudiante, la force du nombre pourrait résulter en de belles choses, concernant les automobiles par exemple.
Maya Jegen abonde dans le même sens. Oui, la place qu'a occupée l'environnement dans la dernière campagne aurait pu être plus imposante. Il y a là le symptôme d'un milieu politique où le courage est parfois timide. Néanmoins, « on ne peut pas tout blâmer sur les politiciens », prévient la professeure. « Là où nous sommes rendus, le travail doit se faire à tous les niveaux. Collectif comme individuel. »