Notre sport national en mise en échec

Les Canadiens de Montréal ont toujours besoin de Québécois

Notre sport national en mise en échec
Les Canadiens ont disputé un match sans Québécois dans la formation pour la première fois de son histoire le 9 mai 2021. Nicolas Charron, L’Atelier

Le 4 décembre 1909, à l’hôtel Windsor de Montréal, le Club Athlétique Canadien voyait le jour. L’idée de John Ambrose O’Brien est bien simple : commercialiser la rivalité entre les anglophones et les francophones. Ainsi, l’équipe maintenant connue sous le nom des Canadiens de Montréal avait comme objectif principal de représenter les Canadiens français dans une rivalité face aux Wanderers de Montréal, représentant les anglophones.

À une certaine époque, il y avait même des règles donnant préséance aux joueurs québécois au sein des Glorieux. Or, depuis quelques années, certains partisans reprochent à l’organisation de faire trop peu d’efforts pour repêcher des joueurs issus de la Belle Province. Cette crainte de voir de moins en moins de Québécois avec le Tricolore a atteint son paroxysme le 9 mai 2021 lorsque, pour la première fois en 112 ans d’existence, les Canadiens de Montréal disputent un match sans avoir un seul Québécois en uniforme.

En 2023, est-ce que le lien entre les Canadiens de Montréal et les Québécois s’effrite?

L’équipe d’un peuple

Selon Anouk Bélanger, professeure du Département de communication sociale et public à l’UQAM, il est encore aujourd’hui absolument nécessaire pour l’organisation des Canadiens de Montréal d’avoir des joueurs québécois dans le club à cause de l’origine de la création de l’équipe. « C’est important qu’il y ait une partie du club qui soit officiellement québécoise. S’il n’y a aucun joueur du club qui l’est, à quoi tient concrètement le caractère canadien francophone? », s’interroge Mme Bélanger. « C’est important d’avoir une accroche, au moins un joueur. C’est encore mieux si c’est un joueur vedette ou un capitaine, mais tant que c’est un ou deux joueurs, un jeune, un vieux, tant que cette accroche-là n’est pas juste symbolique ou imaginaire. »

Le besoin d’attachement envers l’équipe est si fort que les partisans cherchent souvent à créer des liens entre les joueurs du CH qui ne sont pas québécois et la Belle Province. « Quand on n’en a pas assez [des Québécois], on va même trouver des façons de se les approprier ou de s’attacher aux joueurs qui sont là », ajoute-t-elle. Les dirigeants doivent donc tout de même démontrer une volonté de greffer des joueurs d’ici à la formation.

L’histoire de l’équipe crée des attentes chez les partisans : ils veulent voir évoluer des « p’tits gars de chez nous » avec leur équipe, mais pas uniquement sur la glace. Les Canadiens se doivent également d’avoir un entraîneur et un directeur général qui sont capables de parler en français. « C’est super important, s’exclame Anouk Bélanger. Les partisans francophones écoutent les médias francophones, donc ils doivent pouvoir comprendre ce qu’ils disent, sinon tu perds un lien avec ton public. »

Plus-value

Selon Jean Gosselin, spécialiste en marketing sportif, la présence de Québécois au sein de l’équipe est une valeur ajoutée au produit de base d’un point de vue marketing. Cependant, celle-ci n’est pas nécessaire fondamentalement au rayonnement de la marque des Canadiens. « La présence francophone est bonne pour la connexion avec le public et avec les partisans, mais ce n’est pas le premier élément auquel on va s’attarder. C’est la performance sportive qui va être le facteur le plus important », affirme-t-il.

Le recrutement de joueurs locaux ne doit donc pas se faire au détriment du rendement sur la glace, mais toujours selon M. Gosselin, « à talent égal, vaut mieux y aller pour un joueur québécois ». Les Canadiens n’ont pas besoin de Québécois pour gagner des matchs, ni pour vendre des billets. Ce besoin est donc avant tout pour le partisan. « Pour maintenir la sympathie du public et préserver ce lien émotif, la présence francophone rend les choses beaucoup plus simples », ajoute Jean Gosselin.

Des cibles différentes

En plus du Bleu-Blanc-Rouge, la ville aux cent clochers compte sur deux autres équipes professionnelles : le CF Montréal en Major League Soccer et les Alouettes de Montréal dans la Ligue canadienne de football.

Chacune de ces équipes représente principalement une partie de la population qui est différente. Selon Anouk Bélanger, les Canadiens représentent le Québec, le CF Montréal représente la ville de Montréal, et les Alouettes représentent surtout les anglophones de la ville.

Bien que moins populaires que la Sainte-Flanelle, les équipes de soccer et de football montréalaises n’ont pas un lien différent avec les joueurs provenant de la province québécoise. « C’est davantage pour faciliter la connexion avec les partisans que pour vendre des billets. La meilleure façon de vendre des billets reste d’avoir une équipe gagnante ou qui nous donne un espoir en la victoire », conclut Jean Gosselin. Le souhait des partisans reste de gagner une 25e coupe.