« Je vous salue salope » : la honte doit changer de camp
À l'aube du mouvement #MeToo, les féministes ont bien cru que les discours antiféministes cesseraient d'exister. Plutôt que de se taire, plusieurs agresseurs ont choisi de continuer de propager leurs discours haineux, mais cette fois, avec l'aide précieuse d'alliés puissants : les réseaux sociaux.

Par Maude Bélair
Et c'est précisément cette relation toxique qu'entretiennent diverses plateformes avec les masculinistes, ainsi que leurs effets sur les victimes, qu'ont voulu étudier Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist, les réalisatrices et scénaristes du documentaire « Je vous salue salope : la misogynie au temps du numérique » sorti en salles le 9 septembre 2022.
Les femmes prennent la parole
« Les agresseurs ont assez parlé. Ils ont déjà craché assez de venin. Notre but était d'offrir une tribune pour toutes les femmes qui n'ont pas été crues », explique Maroist, productrice du documentaire. Et ce n'est guère un secret : avant même le début du film, l'auditoire est bien averti que les histoires seront racontées par les victimes ayant vécu des situations de cyberharcèlement, de sextorsion ou encore de menaces de mort ou de viol.
D'une durée de 80 minutes, « Je vous salue salope » nous présente l'histoire de 5 femmes ayant vécu du harcèlement sexiste en ligne menant parfois à des répercussions tragiques. Bien qu'elles résonnent ensemble, ces récits prennent place à des endroits différents : une femme parle de son expérience politique en Italie, une est enseignante au Québec, une autre était dans la sphère politique au Vermont... Partagées entre la rage et la fatigue, elles racontent courageusement leur histoire à l'écran dans l'espoir où les gens seront peut-être un jour prêts à se battre non seulement pour elles, mais pour toutes les autres qui n'ont pas eu la chance d'être écoutées. C'est notamment le cas d'Alice Paquet, militante et féministe ayant elle aussi vécu du cyberharcèlement violent à la suite de sa dénonciation. « Les choses ont un peu changé dans les dernières années, mais la haine continue d'exister : il a fallu qu'un homme entre chez-moi par effraction en 2019 pour que la police prenne au sérieux les menaces de mort que je recevais quotidiennement. »
Le « backlash » ou le contre-mouvement
Tous les mouvements sociaux ont déjà vécu un retour du balancier souligne Francis Dupuis-Déri, professeur de sciences politiques à l'UQAM. « Dans l'exemple concret du mouvement féministe, c'est le moyen de faire taire les femmes, de leur fair peur quand elles tentent de faire changer les choses », explique-t-il. Le documentaire a d'ailleurs su montrer les répercussions qu'ont vécues ces femmes, mais n'a toutefois pas su offrir des pistes de solutions. Guylaine Maroist est d'accord : « Le film veut justement prouver que toutes ces femmes ont cherché de l'aide, mais que les institutions en place comme la police ou même le système de justice ont tendance à nous laisser tomber. Ne serait-ce pas à eux d'offrir des solutions adaptées à cette nouvelle ère numérique ? »