L’influence des mèmes sur les élections municipales

Est-ce qu’on mème ? C’est la question que plusieurs candidats à la mairie de Montréal se posent en ces temps de campagne électorale, au moment où le champ de bataille se déplace graduellement vers le numérique.
Les créateurs de mèmes n’ont pas chômé lors des dernières élections municipales qui se sont révélées être une mine d’or de contenu humoristique. De par leur légèreté et leur aspect minimaliste, ses images, dont le but premier est de divertir, ont joué un rôle crucial dans la vulgarisation des enjeux, rendant la politique municipale accessible pour bien des Internautes.
Si leur caractère persuasif demeure incertain, plusieurs croient que les mèmes peuvent agir comme un moyen de communication efficace pour intéresser les plus jeunes électeurs et électrices aux enjeux soulevés lors des élections municipales ayant lieu cet automne. Rappelons que le taux de participation des 18-24 ans n’était que de 25 % lors des élections municipales de 2017.
Aux origines du mème
Vincent Houde, l’administrateur de la page Fruiter, qui compte maintenant 146 000 abonnés sur Facebook, explique que les mèmes forgent l’imaginaire collectif depuis le 17e siècle. Bien sûr, à l’époque, il s’agissait surtout de pamphlets et d’affiches, mais leurs essences étaient semblables à celle de leur cousin contemporain. « Les mèmes ont toujours servi à critiquer ou à caricaturer des phénomènes ou des personnalités et c’est dans cette optique que s’inscrit ma pratique de cet art », explique le créateur, qui publie depuis 5 ans sous le pseudonyme de sa page.
Félix, l’administrateur de L’actualité en memes, qui rassemble 19 000 abonnés sur Facebook, compare les mèmes aux caricatures dans les journaux. Depuis 2012, le créateur offre un miroir satirique de la scène politique québécoise. Ainsi, il a couvert de nombreuses campagnes via son média qu’il qualifie « d’alternatif ».
Les mèmes peuvent-ils influencer le vote ?
S’il produit des mèmes irrévérencieux à l’égard de nombreuses personnalités politiques, Félix précise que « c’est toujours fait dans le but de susciter des discussions et des débats ». Ainsi, il refuse de se positionner en faveur d’un parti en particulier. « Je vais cogner sur pas mal tout le monde, mais toujours dans une optique de punch up. Par exemple, j’ai cogné de façon proportionnelle sur les propos de Denis Coderre que sur ceux de Valérie Plante. »
Selon lui, les mèmes sont un moyen d’expression plutôt qu’un outil de propagande. Il doute que ses derniers puissent avoir un impact tangible sur le résultat d’une élection. L’administrateur est d’avis que les gens qui consomment ces créations naviguent dans la même chambre d’écho que lui. « Ça les conforte dans leurs opinions, mais ça ne va pas les confronter, ou les faire changer d’avis ». Ses mèmes se rendent rarement aux portes de ceux et celles qui ne partagent pas ces idées. « Je pense que le mème est un bon moyen de faire sortir le vote, j’y crois. Du moment que tu as un peu d’engagements sur un mème, ça l’a pas le choix de faire réfléchir ceux qui sont d’accord [avec le propos] », rajoute-t-il.
L’étudiante en stratégie de production à l’UQAM, Catherine Latourelle, raconte : « Je ne sais pas si les mèmes ont influencé mon vote, mais ça m’a vraiment encouragé à m’informer davantage. Par exemple, je me rappelle que j’ai vu passer plusieurs mèmes sur le manque de transparences de Denis Coderre et je suis allé me renseigner dans les journaux pour en savoir plus sur le sujet. »
À ses côtés, son amie, Ariane Vermeersch s’exclame « moi, je n’étais même pas au courant qu’il y avait des élections municipales avant de voir les mèmes sur Facebook et Instagram ».
Estrella Gonzalez, une femme de 56 ans, a pris conscience de nouveaux enjeux grâce aux publications partagées par sa fille. « Ma fille partage énormément de mèmes sur Facebook, surtout lorsque ça touche à l’environnement et au logement. J’en apprends sur des réalités qui ne sont pas forcément les miennes et c’est sûr que je les prendrai en considération au moment de voter », déclare-t-elle.
À l’air du déterminisme algorithmique, certains créateurs et créatrices de contenu mémétique comme Félix et Vincent hissent des drapeaux rouges.
« Sur Internet, on est majoritairement exposé à une seule réalité. Je sais que mes publications contribuent dans une certaine mesure à ce problème. Je fais confiance à mes abonnés pour qu’ils diversifient leur source », déplore Félix.
« Un mème c’est gros max 10-16 mots avec une image, c’est insuffisant pour formuler une opinion nuancée », précise l’administrateur de Fruiter, qui encourage ses abonnés à se renseigner auprès des médias de l’information.