Les jeunes électeurs sont déconnectés de la politique fédérale

Les jeunes électeurs sont déconnectés de la politique fédérale
Illustration: Getty Images

Historiquement moins nombreux à exercer leur droit de vote, la tranche d’âge des 18 à 24 ans se sent souvent invisible auprès des politiciens. Tour d’horizon de la posture des jeunes électeurs face à la politique fédérale à l'approche du scrutin du 20 septembre.


Par Sandrine Côté et Daphné Chamberland

En 2015, lors de l’élection de Justin Trudeau, la tranche d'âge des 18 à 24 ans avait enregistré un taux de participation de 57%, ce qui représente un bond de 18 points par rapport aux élections précédentes de 2011. En 2019, cependant, le taux de participation des jeunes électeurs a chuté à 54%. La même année, le quart des 18 à 24 ans affirmait ne pas s'intéresser à la politique canadienne.

Si cette tranche d'âge est celle qui se rend le moins aux urnes, c’est que les 18 à 24 ans sont généralement moins habités par le sens civique, c'est-à-dire la conscience de ses responsabilités et des ses obligations en tant que citoyen, explique André Lamoureux, politologue et professeur au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Les Québécois ne sont pas assez éduqués à la citoyenneté. À l’ère du néolibéralisme […], l'individualisme est de plus en plus fort […]. L'attachement des jeunes à des causes collectives est en régression », plaide-t-il.

Louis-Gabriel Girard, candidat libéral de 22 ans dans la circonscription Pierre-Boucher–Les Patriotes–Verchères, s’inquiète également de la dépolitisation des jeunes Québécois. « Cette tranche d’âge là n’a pas l’impression que la politique, et à plus forte raison la politique fédérale, a une implication concrète dans leurs vies. Mais pourtant, la politique, elle est partout dans nos vies », pense-t-il.

Louis-Gabriel Girard

C’est un avis que partage Marie-Laurence Desgagné, 22 ans, candidate pour le Bloc Québécois dans Brossard-Saint-Lambert. «Je pense qu’un élément qui joue en notre défaveur, c’est que les jeunes ont l’impression que les politiciens ne les écoutent pas ou que leur vote ne sert pas à grand-chose. On ne voit pas nécessairement encore que les enjeux nous touchent, par exemple quand on parle de famille […], alors que les décisions qui sont prises maintenant vont nous toucher plus tard », avance-t-elle.

Marie-Laurence Desgagné

Kelly-Anne Leduc, étudiante de 21 ans à l’Université de Montréal au baccalauréat en psychologie et en sociologie, fait partie de ces jeunes qui n'exprimeront pas leur vote lors du prochain scrutin fédéral. « Je trouve que les débats ne sont pas clairs et je trouve ça compliqué à suivre. Je préfère m'abstenir plutôt que d’aller voter pour un parti que je n'aimerai pas nécessairement », témoigne-t-elle.

Des enjeux oubliés

Environnement, justice sociale, question autochtone, condition étudiante, luttes antiracistes: voilà les enjeux qui interpellent particulièrement la tranche d’âge des nouveaux électeurs, estime le politologue André Lamoureux.

Ces questions qui préoccupent la jeunesse sont trop peu souvent mises de l’avant par les politiciens, croit Louis-Gabriel Girard. « Tous les partis ont des engagements pour la jeunesse, mais ça n’a pas nécessairement toute la place que ça mériterait dans le débat public. Souvent, les campagnes nationales tournent autour de trois ou quatre enjeux. Par exemple, en ce moment, on parle beaucoup des garderies ou des armes d'assaut, ce qui ne rejoint pas nécessairement les jeunes », souligne-t-il.

En se lançant à 22 ans dans l’arène de la politique canadienne, M. Girard s’est donné la mission de mettre en lumière l’importance de la présence des jeunes en politique. « Je me suis dit que si les jeunes dans la vingtaine ou les premiers votants voyaient quelqu'un sur les pancartes qui leur ressemblait, ça allait être un facteur de motivation [à aller voter]. La politique, ce n’est pas juste une histoire de 50 ans et plus », tranche-t-il.  

Pour Marie-Laurence Desgagné, il est essentiel de prioriser la question de la lutte aux changements climatiques afin d'aller rejoindre un jeune électorat. « Les jeunes sont tannés de se faire faire des promesses en matière d'environnement et que ces promesses-là ne soient pas tenues. Par exemple, qu’on dise, oui, on veut aider à lutter contre les changements climatiques, mais qu’on achète un pipeline, c’est le genre de décision qui alimente le cynisme chez les jeunes, à une époque où on devrait être optimistes comme jamais », se désole la jeune bloquiste.

Elle poursuit: « Les électeurs de 18 à 24 ans vont voter seulement s’ils ont l’impression que leur vote fait la différence. Des jeunes qui vont manifester, qui signent des pétitions, qui font des posts sur Instagram, mais qui n’iront pas voter, il y en a plein, parce qu’ils n’ont pas nécessairement l’impression que les partis les représentent. Il faut que nos politiciens aillent parler aux jeunes, qu’ils soient cohérents et qu’ils aient du courage politique pour assumer ce que les jeunes leur demandent de faire. »