L'environnement, enjeu clé dans Rivière-des-Mille-Îles

La protection de l’environnement et la lutte aux changements climatiques représentent l’enjeu majeur des élections fédérales dans la circonscription de Rivière-des-Mille-Îles, où plusieurs citoyens engagés espèrent un gouvernement qui en fera sa priorité absolue.
Au cours de l’année 2021, Anick Plouffe et Benoît Beauchamp, deux citoyens de la ville de Rosemère, une banlieue de la Couronne Nord de Montréal, ont affiché des pancartes controversées devant leur demeure. L’infirmière auxiliaire de 46 ans et le cimentier applicateur de 57 ans utilisent ces pancartes comme moyen de manifestation pacifique afin de dénoncer les mesures liberticides liberticides des gouvernements fédéral et provincial pour pallier la crise pandémique, alors que selon eux, la vraie crise est la crise climatique.

Si les messages véhiculés par les pancartes semblent à première vue conspirationnistes, le couple, qui ne se déclare pas antivaccin, dénonce l’hypocrisie des politiciens en matière de mesures de santé publique et de sécurité. « Nos gouvernements nous montrent qu’ils veulent nous protéger en nous disant "Faites-vous vacciner. Restez chez vous.", mais d’un autre côté, ils [laissent l’environnement se faire détruire] . J’appelle ça de l’hypocrisie pure et simple », affirme Anick. «Cela crée un faux sentiment de sécurité», ajoute Benoît.
À leurs yeux, le laxisme des gouvernements en matière de protection de l’environnement, notamment celle des milieux humides, revient à perpétrer un écocide, ce qui indirectement constitue un danger pour l’humanité. « Si tu ne protèges pas ton environnement, t’as pas de santé, t’as pas d’humains. C’est aussi simple que ça », résume Anick.
Benoît ne se considère pas comme un Vert ou un militant écologiste, mais plutôt comme un « pragmatique ». Cela n’est pour lui qu’une question de logique. À force de constater la surexploitation des ressources naturelles combinée à l’accroissement exponentiel de la population humaine, il craint l’émergence d’une catastrophe humaine et climatique sans précédent.
Par ailleurs, le couple se bat depuis des années pour empêcher le déversement de terres contaminées dans la tourbière de Blainville, un milieu humide vieux de 6000 ans qui abrite une biodiversité riche, mais fragile. Ils ont tenté d’alerter le gouvernement fédéral à propos ce dossier, plus précisément la ministre fédérale de l’Environnement et du Changement climatique de 2015 à 2019, Catherine McKenna, sans succès. Dans un échange de courriel, une porte-parole de Mme McKenna leur a répondu que cette affaire était la responsabilité du gouvernement du Québec ainsi que des villes de Blainville et Terrebonne. Les deux résidents de Rosemère s'insurgent contre le manque d’engagement du fédéral, blâmant du même coup le respect des champs de compétences comme excuse pour ne pas agir.

Quant au bilan environnemental du premier ministre sortant Justin Trudeau, Anick et Benoît ne sont guère impressionnés. « Il a acheté un pipeline [avec l’argent des contribuables], ça veut tout dire. Il a manqué sa cible, c’est évident », déclarent-ils. Ils redoutent aussi que la dette accumulée durant la pandémie pousse le gouvernement fédéral à puiser encore plus dans les ressources naturelles pour combler le déficit.
Pour le couple rosemèrois, il va sans dire que l’enjeu le plus important des élections fédérales est l’environnement et la lutte aux changements climatiques. « On sait que l’environnement se fait détruire à vitesse grand V. On doit agir maintenant pour donner une chance aux futures générations », conclut Anick.
Un bilan Trudeau mitigé et une plateforme conservatrice inquiétante
Selon le porte-parole de Rosemère Vert, un regroupement citoyen militant pour la conservation du golf de Rosemère en tant qu’espace vert, Frédéric Pitre, le bilan de Justin Trudeau en matière d’environnement et de lutte aux changements climatiques est somme toute positif. « Si on fait abstraction de l’achat du pipeline, grosse erreur qui n’a pas payé politiquement avec l’Ouest finalement, les initiatives proposées par Trudeau sont très bonnes, surtout la taxation du carbone qui aura un réel effet en mettant enfin un prix sur la pollution », souligne le professeur au département des sciences biologiques à l’Université de Montréal.
Du côté du porte-parole et responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada, Patrick Bonin, les actions pour le climat de Justin Trudeau au cours de ses six années au pouvoir sont contradictoires. « Son bilan [à Justin Trudeau] est décevant et comporte des incohérences à plusieurs égards » , estime celui qui est aussi membre du regroupement Rosemère Vert. Il cite en exemples l’achat par le gouvernement fédéral du pipeline Trans Mountain et les subventions à l’industrie pétrolière et gazière, le secteur le plus polluant au Canada.

Il concède tout de même aux libéraux un virage écologique par rapport au gouvernement conservateur de Stephen Harper, notamment l’instauration de la taxe carbone, des investissements dans l’électrification des transports collectifs et l’augmentation des cibles de réduction des GES.
Cependant, l'organisation écologiste rappelle que la cible idéale de réduction des GES se situe à 60 %, alors que Justin Trudeau propose une réduction de 40 à 45% par rapport à 2005. De plus, l’ONG soutient que le Canada a la responsabilité historique d’aider les autres pays du tiers-monde à atteindre leurs cibles de réduction des GES, ce qui représente un investissement d’environ quatre milliards de dollars américains par année. Pour permettre une transition énergétique rapide, il est primordial d’interdire la vente de véhicules neufs à essence d’ici 2030 et de fermer définitivement l’industrie des sables bitumineux d’ici 2035, une mesure proposée par les Verts.
Dans le cadre des élections, Greenpeace Canada offre sur son site Web un tableau comparatif des plans climatiques des principaux partis. Si la majorité des mesures climatiques que proposent les partis sont plus ou moins ambitieuses et concrètes, Greenpeace Canada se prononce fermement en défaveur de la plateforme conservatrice, la plus inquiétante d'après Patrick Bonin. « Ce sont les conservateurs qui en proposent le moins et qui reculent sur ses objectifs de réduction des GES. Ils reviennent aux cibles du temps d’Harper, ils veulent affaiblir le prix du carbone, ils sont pour l’expansion du pipeline, ils veulent accroître l’exportation pétrolière et augmenter les subventions aux industries pétrolières et gazières », énumère-t-il.
Selon la prédiction de M. Bonin, le prochain gouvernement sera minoritaire, ce qui nécessitera une collaboration non partisane, un travail de coalition ainsi que l’adoption d’un consensus pour arriver à accélérer le virage vert. Pour le résident dans Rivière-des-Mille-Îles, les partis ont mis de l’avant des mesures intéressantes, mais pas assez ambitieuses pour contrer les changements climatiques. « Il y a urgence. Avec les canicules successives et les feux de forêt dans l’Ouest, nous sommes en crise climatique. Malheureusement les partis ne sont pas au diapason des préoccupations des Canadiens », déplore-t-il.
Les joyaux de Rivière-des-Mille-Îles
La circonscription de Rivière-des-Milles-Îles, qui regroupe plusieurs municipalités des Basses-Laurentides, regorge de joyaux naturels prisés des citoyens. On y retrouve de nombreux espaces verts tels que le parc Charbonneau, le parc du Sacré-Cœur, le golf de Rosemère, le parc riverain du domaine Garth, la forêt du Grand Coteau, le refuge faunique de la Rivière-des-Mille-Îles et des segments de la Route verte, le réseau cyclable le plus important en Amérique.
La ville de Rosemère comporte à elle seule trois milieux humides d’un grand intérêt écologique : le marais Miller, le marais Tylee et le marais Bouthillier, tous reliés à la rivière des Mille-Îles. Juxtaposé au parc Charbonneau, le marais Miller est le refuge de plusieurs espèces endémiques de tortues, d’oiseaux, d’insectes, d’amphibiens et de plantes aquatiques. Ses espèces les plus célèbres sont la tortue serpentine, la tortue peinte, le grand héron bleu, la demoiselle (insecte de la famille des zygoptères ressemblant à la libellule), le canard branchu, le ouaouaron, la grenouille verte et le nénuphar.
Dans l'extrait audio suivant, on peut entendre le chant nocturne du marais Miller.