Le vainqueur des élections présidentielles américaines est toujours inconnu

Revivra-t-on le fiasco des élections de 2000?

Le vainqueur des élections présidentielles américaines est toujours inconnu

Au moment de publier ces lignes, on ne connaissait toujours pas le prochain président des États-Unis, mais advenant une victoire de Donald Trump, à quoi doit-on s'attendre? Entretien avec Bruno Morin, féru de politique américaine.

Jean-Christophe Matte : Quelles sont les principales réalisations de Donald Trump durant son premier mandat?

Bruno Morin : Il faut regarder sa relation avec ses partisans. Pour ces derniers, Trump a fait beaucoup de réalisations. Il faut parler de la construction du mur qui va quand même rapidement. Mais un mur à la frontière ne va pas empêcher les gens de traverser la frontière, ça les ralentit un peu. De plus, le mur qu'il construit présentement n'est pas sur toute la frontière avec le Mexique. C'est seulement à certains endroits dont la présence policière est renforcée. Donc ce n'est pas une réalisation qui est complètement faite. Un autre enjeu important pour lui en 2016 était l'économie, qui est encore un cheval de bataille pour Trump comme on le voit dans les sondages. Il bat Joe Biden sur cet enjeu-là à chaque fois. Il a réussi à continuer la lancée de Barack Obama durant son mandat. C'est vrai que l'économie américaine avait le plus bas taux de chômage qui n'a jamais été enregistré. Les Bourses étaient à un niveau record avant la COVID-19. C'est vrai qu'il peut se targuer d'avoir réalisé certaines promesses sur l'économie. Par contre, c'est une dérégulation économique qui met plus d'argent dans les poches des gens plus riches. Les États-Unis sont un pays très inégalitaire et les baisses d'impôts que Trump a faites aux entreprises et aux particuliers visaient, pour la plupart, les gens qui gagnaient un très haut salaire. Cela a créé beaucoup d'engouement pour la Bourse, mais dans la vie de tous les jours, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'Américains qui disent qu'ils vivent moins dans la précarité aujourd'hui qu'en 2016.

J-C M. : Quels impacts aurait une réélection de Trump aux États-Unis? Et au Canada?

B. M. : Pour plusieurs, ça serait un gros choc. Principalement du côté symbolique, car qui va bloquer cette personne-là? C'est sûr qu'un président américain peut juste faire deux mandats. Dans son deuxième mandat, il y en a qui pensent qu'il va plus être un électron libre qu'il l'a été. Il va davantage chercher à raffermir sa place dans l'histoire politique américaine. On peut croire qu'il fera plus d'ordres exécutifs pour apporter ses idées, ses lois, sa vision des choses. Les courses sénatoriales sont plus serrées que prévu. Les républicains ont juste trois votes d'avance au Sénat. Si Trump est réélu et qu'il fait face à une autre procédure de destitution, ça pourrait aller encore plus rondement si le Sénat était à majorité démocrate.

À Ottawa, Justin Trudeau serait très malheureux, parce que si on revient au premier mandat de M. Trudeau en 2015, normalement en politique canadienne il y a plusieurs législatures. On refait un discours du Trône, on rouvre une nouvelle session parlementaire, etc. Mais durant son premier mandat, il y a seulement eu une législature à cause de l'élection de Donald Trump. Tout l'appareil gouvernemental fédéral était concentré sur la renégociation de l'ALENA (rebaptisé l'ACEUM). Ce n'est pas normal d'avoir des alliés qui se font la guerre commerciale comme Trump fait à l'Europe, à la Chine ou au Canada. Je pense que c'est la chose dont notre premier ministre a le plus peur, car il y a une imprévisibilité. Il faut aussi souligner que Trump et Trudeau ne s'entendent pas vraiment. Lors du Sommet du G7 à Charlevoix, Trump est parti comme un bébé gâté. Il n'a pas signé la déclaration commune. Il a dit que Justin Trudeau n'était pas un bon premier ministre. Donc ce n'est pas le résultat qu'on voudrait. Mais à part le bois d'œuvre et l'acier, je ne vois pas d'autre sujet que Donald Trump pourrait vraiment soulever.

«Lors du Sommet du G7 à Charlevoix, Trump est parti comme un bébé gâté. Il n'a pas signé la déclaration commune»-Bruno Morin

J-C M. : Qu'est-ce qui explique la popularité de Trump aujourd'hui?

B. M. : Il y a plusieurs facteurs. Personnellement, je suis un tenant des variables sociodémographiques, c'est-à-dire qu'il y a des événements qui forgent la nation et qui l'encadrent dans les prochaines étapes. Par exemple, aux États-Unis, il faut se rappeler que les premières personnes qui y sont arrivées étaient des gens très religieux, qui se sont fait un peu rabrouer en Angleterre, et qui étaient très capitalistes. C'est une révolution capitaliste, la révolution américaine. Quand on reprend ces éléments-là, on voit qu'il y a une base pour Trump. L'économie est un enjeu très important, si ce n'est pas le plus important. Il y a un individualisme très fort où l'État n'a pas sa place dans la vie des gens. C'est la définition même de l'Amérique. L'individu est la meilleure personne pour choisir et pour décider pour elle-même ce qu'elle veut faire. Si tu es dans la "marde", c'est à cause de toi. Ce n'est pas au gouvernement de venir te sauver. Trump se présente comme un homme d'affaires qui a réussi dans la vie. Malheureusement, il a fait plusieurs faillites et il paye 750 dollars en impôt fédéral. Je pense qu'il y a une frange de la population qui s'est sentie délaissée par les politiques autant démocrates que républicaines, dans les dernières années. Par exemple, dans les petites communautés rurales qui dépérissent à vue d'œil, parce qu'on s'est un peu sorti du pétrole, du charbon. Il y a aussi un bas niveau d'éducation dans certaines régions. Quand un président dit qu'il veut combattre le gouvernement, qu'il veut tout changer, que les policiers sont des menteurs, ça parle à ces gens-là. Même après quatre ans de difficultés, de moments qui ne sont pas glorieux pour Donald Trump. Il a réussi à créer une très bonne base solide comme le roc qui est pratiquement de l'idolâtrie.

Promesses électorales de Donald Trump en 2016

- Construire un mur sur la frontière sud payé par le Mexique

- Prendre soin des anciens combattants

- Rééquiper l'armée

- Supprimer l'assurance maladie surnommée Obamacare

- Se montrer très ferme envers la Chine

- Protéger le deuxième amendement de la Constitution

Source: Trump Talk: Donald Trump In His Own Words, George Beahm, 2016