Le premier ministre Legault se mêle de l'élection fédérale

Le 9 septembre dernier, le premier ministre du Québec François Legault a fait une sortie médiatique surprenante à l’aube de l’élection fédérale canadienne. En effet, il a affirmé devant la presse que ce serait mieux pour la population québécoise que le prochain gouvernement en soit un conservateur minoritaire.
C’est du moins ce qu’il a laissé sous-entendre lorsqu’il a demandé aux électeurs de se méfier des trois autres partis : « les Québécois qui sont nationalistes, qui tiennent à ce que la nation québécoise ait plus de pouvoirs, doivent se méfier de trois partis : le Parti libéral, le NPD et le Parti vert. »
Il a également mentionné qu’étant donné qu'aucune des organisations politiques ne répond totalement aux besoins du Québec, il est mieux que le prochain gouvernement soit minoritaire. Ces déclarations ont énormément surpris et elles ont rapidement fait les manchettes, puis le tour des réseaux sociaux. Selon le chargé de cours à l’UQAM en Communication, politique et société, Alexis Hudelot, ce n'est pas nécessairement une bonne idée de la part de M. Legault de se mêler de ce dossier. « Nous sommes dans une situation où les conservateurs et les libéraux peuvent se retrouver au pouvoir de façon minoritaire, explique le chargé de cours. Il y a un coût à payer quand ça se tire dans les pattes comme ça. » En effet, ce genre de commentaire est exactement ce qui peut rendre les relations plus difficiles entre le fédéral et le provincial.
François Legault a choisi de donner son opinion et il considère inquiétant que les trois partis politiques qu’il a mentionnés ne souhaitent pas donner plus de liberté et d’autonomie aux provinces. Le premier ministre Legault a même expliqué spécifiquement ce que le chef conservateur fait de bien : « Le Parti conservateur a été clair : ils veulent augmenter les transferts en santé sans condition, ils veulent transférer des pouvoirs en immigration. Pour la nation québécoise, c’est une bonne approche, l’approche de M. O’Toole. »
Il a également expliqué que Erin O’Toole était le seul chef qui était prêt à subventionner le fameux troisième lien controversé entre Québec et Lévis.
Selon la perspective de M. Legault, il pense que son intervention est une bonne chose et qu'il a raison de le faire. « Il affirme que dans sa fonction de premier ministre, il doit défendre les intérêts du Québec et que ses intérêts sont attaqués par trois partis fédéraux », affirme le journaliste chez Radio-Canada Sébastien Bovet. « Cela est en dit, c’est certain qu’un gouvernement minoritaire conservateur serait plus facile pour faire avancer les dossiers du Québec », nuance Alexis Hudelot.
En souhaitant l’élection d’un gouvernement conservateur, @francoislegault accepte de déchirer l’entente de 6 milliards et abandonne les parents, les enfants et tout le réseau des services de garde du Québec.
— Dominique Anglade (@DomAnglade) September 9, 2021
Nous nous tiendrons debout pour défendre les intérêts des familles ! https://t.co/KQJanzexUX
La cheffe du Parti libéral du Québec Dominique Anglade a rapidement critiqué la déclaration de François Legault en partageant une publication sur son compte Twitter. Elle lui reproche d’abandonner la promesse qui a été faite par les libéraux de Justin Trudeau concernant le transfert de six milliards de dollars, qui touche directement les enfants en garderie et les services de garde. Cette somme ne risque pas d’être offerte par Erin O’Toole selon ce qui est annoncé dans sa plateforme électorale.
De son côté, Gabriel Nadeau-Dubois n’a également pas apprécié que le premier ministre se range du côté des conservateurs, affirmant que c’est un accord avec les conservateurs qui n’est pas dans la vision du Québec.
François Legault veut faire un «deal» en votre nom avec le Parti conservateur du Canada. Il est prêt à sacrifier 6 milliards de dollars pour les services de garde du Québec en échange d’argent pour le 3e lien.
— Gabriel Nadeau-Dubois (@GNadeauDubois) September 9, 2021
Nous n’avons définitivement pas la même vision de l’avenir du Québec. pic.twitter.com/OjSu69QGLL
La panéliste politique à TVA, Emmanuelle Latraverse remet un peu d'ordre sur certaines notions. « Dans les faits, il n’a pas dit ce que les Québécois devaient faire, c’est la perception qu’il a dit quoi faire. » En effet, il n’a jamais dit publiquement que les gens doivent voter pour les conservateurs, il a seulement mentionné que pour les Québécois nationalistes, ce choix semble être le meilleur.
Or, il y a bien une chose qui a attiré l'attention de Mme Latraverse, c'est le débat sur ce qui est à offrir aux provinces. « Je ne me rappelle pas que les promesses fédérales soient autant dans la cour des provinces, dit-elle. C’est comme si l'élection était provinciale. » Il est vrai que les promesses de Trudeau sont dans le champ des provinces, par exemple avec les soins de longue durée ou bien les garderies, mais il se trouve que le chef du Parti libéral a tout de même donné beaucoup au Québec. Le premier ministre Legault critique un peu pour rien selon la panéliste de TVA.
Elle avoue tout de même avoir été surprise puisque ce n’est pas habituel qu’un premier ministre mentionne ses intentions juste avant une élection. Ce n’est pas fréquent qu'un chef au Québec se mêle d’une autre sphère politique. Elle croit aussi qu’il s’est emporté, mais que c'était calculé, car un vote conservateur pourrait être payant pour ses propres élections de 2022.
Cet aspect n'est effectivement pas à négliger dans l'intervention de M. Legault. « Il sera lui-même en élection dans un an et sa sortie, selon moi, vise aussi à le définir comme le capitaine Qc, défenseur du Québec et de son identité, constate Sébastien Bovet. Ici, on est plus dans la stratégie électorale de la CAQ que dans la défense du Québec. »
Toutefois, Emmanuelle Latraverse mentionne que la déclaration de M. Legault pourrait lui faire très mal. Elle rappelle que le Parti conservateur n’avait pas beaucoup de votes au Québec. « C’est donc dire que si l’appel de François Legault ne fait pas augmenter le nombre de votes pour les conservateurs au Québec, c’est comme si le premier ministre parle dans le vide et que son autorité morale ne fait aucun effet », explique-t-elle.
L’avenir de la CAQ
Est-ce que la déclaration de François Legault a été mentionnée pour le bien du Québec ou bien pour les élections provinciales de 2022 ? Voici la réponse expliquée par Alexis Hudelot.
Un texte d'Alice Kirouac-Nascimento et Philippe St-Denis