Le municipal, une échelle en or pour de nouveaux candidats

Qu’ont en commun Damien Thumerel, 18 ans, Juliette Côté-Turcotte, 21 ans, et Alexia Oman, 26 ans? Ils se sont tous présentés pour la première fois lors de la campagne municipale de cet automne. Regard sur le parcours des trois nouveaux candidats, à travers ce qui les unit et ce qui les rend uniques.
Ambitieux, audacieux, désireux de souffler un vent de changement sur les enjeux politiques: Damien, Juliette et Alexia ont tous les trois développé un intérêt pour la politique et les mouvements sociaux à un jeune âge. « Depuis que j'ai 15-16 ans, je me demande quelles élections [auront lieu] en 2021. J'ai vu que c'était les élections municipales, je me suis dit "je vais me lancer" », déclare Damien, candidat indépendant à la mairie de Pierreville, une municipalité d’à peine plus de 2000 habitants.
Motivé par la volonté de rendre la politique accessible aux jeunes et de créer un climat de cohésion à travers sa communauté, Damien attendait depuis longtemps de pouvoir souffler ses dix-huitièmes bougies afin de se présenter. Juliette, candidate indépendante dans le district DeLorimier, à Montréal, avoue l’avoir décidé « sur un coup de tête ».
C’est le livre À nous la ville!, de Jonathan Durand Folco, qui a forgé son intérêt pour la politique municipale: « J'ai trouvé ça vraiment beau la démocratie participative, l'inclusion, l'optique municipaliste [...] de décentraliser un peu les pouvoirs pour en apporter davantage à l'échelle locale », raconte Juliette. Après que l’auteur du livre lui ait dit qu’il n’y avait pas d’âge pour se présenter, elle a fait le grand saut.
C’est un peu semblable pour Alexia, candidate pour Transition Québec dans le district Cap-aux-Diamants à Québec. Elle a décidé de se lancer après que la cheffe du parti, Jackie Smith, l’ait approchée personnellement. Pour elle, faire de la politique était dans ses plans depuis longtemps, mais pas pour maintenant: « Je me disais [que j’allais] attendre d’être mûre, sage, d’avoir de l’argent, des RÉER, une famille, un mari ou une femme qui va être là pour me [soutenir] avec mes enfants, je ne sais pas, l’espèce d’image de Justin Trudeau », confie-t-elle.
Affronter la critique
Famille inquiète, proches confiants ou communauté réjouie, les réactions de l’entourage de chacun des candidats lorsqu’ils leur ont annoncé qu’ils se présentaient aux élections municipales ont globalement été positives. «Les gens ont juste dit qu’ils n’étaient pas surpris», affirme pour sa part Alexia en riant.
« Mes parents, ils disaient "Mon dieu c'est un grand projet, Juliette, tu sais pas dans quoi tu t'embarques!" », raconte la candidate de 21 ans, qui a pris une session sabbatique de ses études en science politique à l’Université du Québec à Montréal pour se concentrer sur la campagne.
Juliette dit avoir été beaucoup encouragée par son entourage, malgré les inquiétudes de ses «parents poules» . Mais il n’y pas eu que du soutien: « Y a pleins de gens qui m'ont dit : "T’es jeune là, retourne à l'école et finis tes études". Rendu là, il y a toujours du monde qui sera pas content », déclare-t-elle.
Damien avoue aussi avoir fait face à certains jugements quand il a annoncé qu’il se présentait à la mairie. Il raconte que « les gens riaient un peu [de lui] » jusqu’à ce que TVA annonce sa candidature. Maintenant, celui qui travaille aussi à l’épicerie de son village reçoit un soutien énorme de sa communauté. « Ça prend de la jeunesse, de la relève », entend-on régulièrement à Pierreville, selon Damien.
Déjouer les obstacles
Tout au long de sa campagne, Alexia a vu ses pancartes électorales régulièrement couvertes de graffitis, souvent en provenance d’un tagueur en particulier. « C’est quand même une situation qui est désagréable, parfois, de faire partie de l’espace public et de remettre en question qui on est et notre sécurité », concède-t-elle.
Juliette aussi s’est heurtée à des défis pendant les sept semaines de campagne, affirmant que le système n’était pas construit pour les candidats indépendants. Son sentiment d’être « à l’écart » n'était pas lié à un manque d’expérience, mais plutôt parce qu’elle se présentait seule.
« Je n'avais pas envie de devoir me brimer un peu dans mes convictions, je voulais vraiment avoir cette liberté d'expression, de pouvoir changer mon plan électoral en fonction de ce que les citoyens et les citoyennes me disaient. Donc j'ai décidé d'être indépendante, un choix difficile », dit-elle en riant, pointant les cernes sous ses yeux.
«Je me disais [que j’allais] attendre d’être mûre, sage, d’avoir de l’argent, des RÉER, une famille, un mari ou une femme qui va être là pour me [soutenir] avec mes enfants, je ne sais pas, l’espèce d’image de Justin Trudeau » - Alexia Oman
Pour Damien, peu importe l’issue des élections. « Si le monde va voter, j'ai réussi ma campagne », lance-t-il. Il serait « comblé » si le taux de participation s’élève au-dessus du 65% observé en 2017.
À eux, l’avenir!
« J'ai 21 ans et je ne sais pas ce que l'avenir me réserve. J'aime ça toucher à tout, je pense qu'il y a différents avantages et inconvénients à tous les paliers gouvernementaux. [...] Par contre, le municipal c'était une belle porte d'entrée, j'aime cette proximité », confie Juliette, sa première campagne presque derrière elle.
Si Damien rêve de prendre part à la campagne provinciale de 2022, il est satisfait d’avoir pu représenter la jeunesse auprès de son village pendant les derniers mois. « Je pense que dans le milieu municipal, même si je suis jeune, je suis capable [...] de faire comprendre que moi aussi, j'ai des idées, que j'écoute [celles] des autres et qu'on est tous au même pied d'égalité », déclare-t-il.
Animée par les valeurs de justice sociale et les enjeux environnementaux, Alexia est aussi fière de pouvoir avoir fait campagne auprès de Transition Québec, qui s’est d’ailleurs positionné contre le troisième lien. Une campagne qu’elle qualifie d’énergivore, mais enrichissante: « Si je tiens encore debout aujourd’hui, c’est parce que j’ai une équipe fabuleuse de personnes qui croient en moi [et] en notre projet », soutient-elle.
Après sept semaines de campagne, les trois candidats ont tous énormément appris sur ce que la politique municipale représente auprès des citoyens et sur l’importance de la proximité avec sa communauté. « Pour moi l’échelle municipale, c’est une échelle en or», affirme Alexia.