Le golfe du Saint-Laurent en ébullition

Le golfe du Saint-Laurent a atteint en 2021 les températures les plus élevées jamais enregistrées selon les données collectées et présentées mardi par Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à Pêches et Océans Canada.
« Juillet est le seul mois où on a eu des anomalies négatives de température de l’eau, mais à partir du mois de septembre, l’estuaire et le nord-ouest du golfe étaient très chaud à la surface. Les températures ont explosé en octobre et novembre », a expliqué le scientifique lors de sa conférence annuelle sur les conditions océanographiques.
Après avoir passé une quarantaine d’années à collecter des données à ce sujet, ce chercheur a constaté que l’eau en surface du golfe et de l’estuaire du Saint-Laurent n’a jamais été aussi chaude que lors des mois de septembre et de novembre 2021. « Le refroidissement d’automne a été très tardif. […] C’est du jamais vu », ajoute-t-il.
Un réchauffement général observé
Si la température de l’eau en surface a été la plus élevée en 40 ans, le volume de la couche intermédiaire d’eau froide, située à environ 150 mètres de profondeur, a diminué à cause du record de chaleur qu’elle a atteint depuis siècle.
Le physicien Denis Gilbert se dit surpris par ce résultat. « On ne peut pas dire qu’on voyait venir [la diminution de la couche intermédiaire froide] parce qu’elle est déterminée l’année même. Il faut la voir comme étant un vestige du mélange hivernal précédent », précise-t-il.
Une des causes de ce phénomène est due au fait que la troisième couche, la plus profonde, provient du Gulf Stream qui est un courant plus chaud qui vient du sud. Celle-ci a augmenté d’un peu plus d’un degré en 30 ans, un record. « Toutes les rivières qui coulent s’en vont vers le large, vers le golfe et vers la mer. Mais les couches profondes, c’est l’inverse. Elles arrivent de l’Atlantique, puis elles rentrent vers l’intérieur des terres jusqu’à Tadoussac [et se renouvellent] tous les quatre à sept ans », explique Mathilde Jutras, doctorante en océanographie physique et biogéochimique à l’Université McGill.
Des impacts majeurs à prévoir
À cause de la chaleur du Gulf Stream, l’apport en oxygène diminue progressivement dans les profondeurs marines. Ce phénomène a un impact important sur la vie marine puisque plusieurs espèces sont menacées. Au nord du golfe, la superficie de l’habitat du crabe des neiges pourrait donc être réduite dans les années à venir selon Peter Galbraith.
Bien qu’absente l’an dernier, la banquise s’est installée sur le golfe du Saint-Laurent cet hiver. Lorsque ce n’est pas le cas, les côtes, qui sont frappées par les vagues, s’érodent. « La coïncidence de forts vents avec de basses pressions atmosphériques fait qu’il y a de forts niveaux d’eau en même temps que tu as de fortes vagues. Si tu fais tout l’hiver au complet sans glace, tu joues à la roulette russe de l’érosion côtière cinq mois par année au lieu de deux mois », conclut Denis Gilbert.