La conscience environnementale ne fait pas décoller les verts

Selon les statistiques de la Boussole électorale de Radio-Canada, 76% des participants souhaitent que le prochain gouvernement fasse plus d’efforts pour la réduction des gaz à effet de serre. L’environnement est une préoccupation de plus en plus présente au sein de l’électorat. Pourtant, au lendemain des élections fédérales, le Parti vert n'avait récolté que 2,3 % des voix au pays.
Les résultats électoraux sont loin d’être concluants pour les verts. La cheffe Annamie Paul a été défaite dans Toronto-Centre, terminant quatrième et récoltant seulement 8,5% des voix. Les verts ont perdu un siège par rapport à l’élection de 2019. La députée de Fredericton au Nouveau-Brunswick Jenica Atwin, élue en 2019 comme candidate verte, avait quitté le parti en juin suite à des désaccords avec la cheffe . Elle a été réélue lundi, sous la bannière des libéraux cette fois. Le siège de la circonscription de Kitchener-Centre a été remporté par un candidat vert tandis que Nanaimo-Ladysmith a été perdu. L’ancienne cheffe Elizabeth May a obtenu un autre mandat dans Saanich-Gulf Islands.
Le vote vert non stratégique
Au Canada, le système électoral parlementaire avec des élections par circonscription désavantage les plus petits partis. Ce mode de scrutin pousse à voter contre un des deux partis majoritaires plutôt que pour celui avec lequel l’électeur est le plus en accord. C’est ainsi que beaucoup ressentent le besoin de faire un vote dit stratégique. Comme les verts ont peu de chance de l'emporter dans leur circonscription, un vote pour eux est considéré comme gaspillé par plusieurs, d’autant plus quand l’élection est serrée comme celle-ci. « Malheureusement, les gens pensent que le Parti vert n’a pas assez de pouvoir, avec les votes stratégiques, pour renverser un gros pouvoir comme les libéraux. » a expliqué une électrice lors de notre micro-trottoir. Un autre électeur rencontré pense aussi que «le Parti vert est bon mais il ne se fera jamais élire, il est trop petit.»
Des candidats comme le député écologiste libéral Steven Guilbeault préfèrent même mettre de côté certaines convictions politiques pour jouer d’influence dans les coulisses du pouvoir. Néanmoins, le mode de scrutin est aussi le problème d’autres partis tiers comme le parti populaire et à moindre échelle le Nouveau parti démocratique. Ces partis ont obtenu des pourcentages plus intéressants que les verts.
Problèmes de leadership chez les verts
Le parti vert traverse une période difficile. Le leadership de la cheffe Annamie Paul a été remis en cause alors que des membres de son parti ont tenté de l'évincer de la chefferie. Comme l’explique le journaliste de la Presse Paul Journet : «Il y a des candidats qui ont essayé de se débarrasser d’elle [...] car elle nuisait au parti. C’est une personne qui est très antagonisante. » Madame Paul est très peu sortie de sa circonscription de Toronto-Centre où elle tentait de se faire élire. Il y a aussi eu beaucoup de circonscriptions sans pancartes électorales, ce qui a pu nuire à la publicité du parti ayant eu peu de visibilité. Lors de notre micro-trottoir, beaucoup connaissaient trop peu le parti vert pour se faire une opinion. De plus, le nombre de candidats se comptait au nombre de 257 sur les 338 circonscriptions. À titre comparatif, le parti de Maxime Bernier n’ayant élu aucun député, quant à lui, comptait 312 candidats.
Une meilleure plateforme électorale chez les libéraux
Même si la plupart des Canadiens connaissent le Parti Vert pour ses idées en faveur de l'environnement, des spécialistes remarquent que sa plateforme manque de précision. Paul Journet pense « que le rôle d’un tiers parti serait de mettre de la pression sur le Parti libéral avec des idées précises et détaillées, ce qui n’est pas une chose très présente sur la plateforme des verts. » Le chroniqueur ajoute que la meilleure plateforme environnementale est celle des libéraux car elle est plus concrète et prête à être mise en application.
C’est une observation qui est également partagée par Mme Jegen. « J’étais un peu étonnée de ma conclusion, mais c’est la plateforme la plus réaliste. » Elle affirme que les citoyens savent comment les libéraux vont s’y prendre pour atteindre leurs objectifs alors que le parti vert, bien qu’ambitieux, demeure flou sur sa manière de faire. Une difficulté qui excuse en partie les imprécisions du parti vert est le manque de financement. En tant que parti minoritaire, les verts ont moins de moyens pour concevoir une meilleure plateforme. Maya Jegen ajoute aussi qu’un certain nombre d’électeurs pourraient se sentir bousculés par les objectifs plus radicaux des verts.
Le parti d’Annamie Paul a également pu éloigner certains électeurs écologistes avec ses positions campées sur les questions identitaires. «Les verts ne parlent pas beaucoup d’environnement. […] Il y a des gens qui sont très écologistes, mais qui ne sont pas d’accord avec ce genre d’enjeux là et donc, le parti les repousse » explique Paul Journet.