La bisbille au sein du Parti démocrate empêchera-t-elle l'adoption de leur réforme fiscale?
L'expert en histoire et politique américaine et membre externe à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand à l'Université du Québec à Montréal, Donald Cuccioletta, prédit que la réforme fiscale va « probablement » passer, à condition que les démocrates fassent des compromis. « Biden et les démocrates risquent de reculer [ sur certains points ], car ce projet est trop important. C'est là pour aider la population américaine », affirme-t-il.
Joe Manchin réticent à la hausse d'impôts
Le sénateur démocrate de la Virginie-Occidentale, Joe Manchin, désapprouve le projet de réforme fiscale Build Back Better Act du président Joe Biden. Ce désaccord entraîne la discorde dans son propre camp et risque de faire tomber à l'eau les grandes réformes sociales de Biden. Ce dernier souhaitait initialement un taux de 28% pour les grandes entreprises comme Amazon, alors que Manchin préférait un taux abaissé à 25%.
Le sénateur a annoncé lundi dernier sur les ondes de CNN qu'il ne votera pas pour le Build Back Better Act, surtout en raison de la hausse de l'inflation, de la dette américaine et du processus d'adoption jugé trop rapide. Avec une faible majorité à la Chambre des représentants et au Sénat, les élus démocrates doivent absolument s'entendre pour faire adopter la réforme.
Selon Donald Cuccioletta, « les démocrates vont tout essayer [pour faire plier Joe Manchin, que ce soit à coups de pressions politiques, de] bonbons [pour son district ou de] tordage de bras ».
« Joe Manchin est connu pour son parcours individualiste, il a la tête dure. Cela démontre qu'il y a des conservateurs au Parti démocrate », ajoute-t-il. Le sénateur aurait des appuis chez les démocrates et les républicains en plus d'avoir dans son camp plusieurs entrepreneurs et grandes pointures de Wall Street.
Une démocratie de divisions
Depuis toujours, les Américains de droite comme de gauche sont assez réfractaires aux hausses d'impôts et de taxes, même si cela ne concerne que le 1% des plus riches. Pour M. Cuccioletta, cette caractéristique de la société américaine prendrait racine dans les fondements mêmes de l'idéologie libertarienne : « C'est une société basée sur l'individu. Les gens se disent qu'ils travaillent fort, alors ils veulent payer le moins d'impôts possible. C'est une démocratie décentralisée où ce qui se passe à Washington pour l'Américain moyen est loin, autant géographiquement que politiquement.» Il ajoute que la société américaine a toujours été profondément divisée, et cela n'exclut pas les membres du Parti démocrate.
Quant aux républicains, ils préparent déjà les élections de mi-mandat de 2022 dans l'objectif de s'emparer du Congrès. Seul le temps dira si cette réforme ne sera pas une autre tentative en vain des États-Unis pour transformer leur pays.
Le projet de loi vise à récupérer près de 3 500 milliards de dollars sur dix ans aux ménages les plus riches des États-Unis et aux grandes entreprises, afin de financer les politiques sociales de Joe Biden. Celles-ci incluent, entre autres, des maternelles gratuites, un meilleur accès aux soins de santé, des investissements dans les infrastructures et la lutte contre les changements climatiques. Ainsi, les impôts des plus nantis passeraient de 37% à 39.6% et ceux des entreprises gagnant plus de cinq millions de dollars par an passeraient de 21 à 26,5%.