Jeunes et engagé·e·s, sauf lorsqu'il faut voter

Dans la rue, au sein d’organismes militants, sur les médias sociaux : la présence souvent rafraîchissante des jeunes électeurs et électrices se fait sentir sur plus d’un tableau. Lorsque vient le temps de s’impliquer par l’entremise du vote, aux élections municipales particulièrement, les statistiques traduisent cependant un certain détachement. Incursion dans cette tranche d’âge qui semble parfois bouder la vie politique.
À l’été 2021, Élections Canada publiait le rapport « Génération Z : Portrait d'une nouvelle génération de jeunes Canadiens et comparaison avec les Canadiens plus âgés », qui brosse le portrait politique des jeunes entre 18 et 22 ans, entre autres. Le rapport met de l’avant le grand engagement non électoral de ces derniers et ces dernières, surtout lorsque l’environnement entre en ligne de compte.
Au moment du scrutin, toutefois, les jeunes adultes sont moins omniprésents. À Montréal, lors des élections municipales de 2017, seulement 25% de la tranche d’âge 18-24 ans ont voté. En comparaison, la moyenne québécoise avoisine les 45%, proportion déjà basse lorsque mise côte à côte avec celles des élections provinciale et fédérale.
L’étudiante libre et scrutatrice aux élections municipales de 2021 dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, Lorina Brault, déplore ce bas taux, « très faible et inquiétant » selon ses dires. « À ma table, on a reçu un total de 70 électeurs en deux jours, et très peu étaient des jeunes, se souvient-elle. La plupart étaient dans la quarantaine et plus. » À 20 ans, la jeune femme considère déjà qu’il est important de « rendre la démocratie accessible à tous ». En jetant un œil aux statistiques, force est d’admettre que cet avis n’est pas partagé par tous ceux et celles qui appartiennent à sa génération.
Perception erronée du municipal
Lorina et son cercle d’ami·e·s contribuent à mettre des visages sur les chiffres publiés par Élections Canada. « Chez mes proches, et chez moi-même d’ailleurs, j’ai vu un désengagement. J’ai parlé à des gens qui n’ont pas fait les démarches pour voter », indique-t-elle. L’étudiante partage également que certains de ses proches lui ont fait mention de regrets suite à leur abstention électorale.
Jeanne Sheasby, étudiante à l’Université de Montréal (UdeM) au baccalauréat en sécurité et études policières, est l’une de ces personnes. Le 7 novembre, Jour J, elle n’a pas voté. Jeanne justifie sa décision par un manque d’intérêt. « Je n’ai pas du tout suivi la campagne électorale, les plans et les valeurs des candidats », détaille-t-elle. Ce n’est cependant pas que le désintérêt qui explique sa neutralité : Jeanne croit que la politique municipale a peu d’effets sur sa ville et même sur sa province. Elle assure ne jamais manquer l’opportunité de voter aux élections fédérales et provinciales.
Le président du conseil d’administration du Forum jeunesse de l’île de Montréal (FJIM), Powen-Alexandre Morin, ne laisse paraître aucune surprise en écoutant le récit de Jeanne. À ses yeux, certains jeunes ont une mécompréhension générale des enjeux politiques, spécialement en ce qui concerne le palier municipal. « Pourtant, le municipal est partout », insiste-t-il. Celui qui est aussi étudiant au doctorat en communication à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) cite à ce propos plusieurs exemples : le déneigement, les pistes cyclables, les changements climatiques, le transport… Autant de bonnes raisons de vouloir y mettre du sien dans l’arène politique en tant que citoyen ou citoyenne.

Lorina Brault constate aussi ce manque de connaissances autour d’elle, mais le déplore. « Nous, les jeunes, on ne se rend pas compte que les élections municipales ont un impact réel et direct sur notre environnement », affirme-t-elle. L’étudiante voit sa ville, Montréal, comme un « projet commun » auquel chacun et chacune devrait pouvoir s’identifier – identification qui pourrait ensuite résulter en une implication concrète.
Mettre de l’avant le rôle citoyen
Powen-Alexandre Morin est d’avis que l’intérêt des jeunes envers la politique passe indubitablement par l’éducation. Il s’inscrit dans la pensée selon laquelle les notions de citoyenneté et de participation électorale devraient occuper une place prépondérante dans l’éducation secondaire.
Jeanne Sheasby, pour sa part, aimerait plus souvent entendre parler de politique municipale autour d’elle. « Aux prochaines élections municipales, si mes proches s’y intéressent et en parlent plus, je crois que ça pourrait avoir un impact sur mon vote », spécule-t-elle.
Selon Lorina, se déplacer pour voter est primordial, car ce n’est pas seulement un maire ou une mairesse que l’on élit, mais aussi un maire ou une mairesse d’arrondissement, un conseiller ou une conseillère de ville et un conseiller ou une conseillère d’arrondissement. « La plupart des électeurs à ma table étaient ravis devant autant de choix et sont allés s’informer sur les candidats avant de voter », soutient-elle. Un fait anecdotique qui démontre pourtant que, parfois, l’essayer, c’est l’adopter.