Soins à domicile: « Il y a des limites à en faire toujours plus avec moins »
Bureaucratie lourde, ressources publiques limitées, dégradation des services : le rapport publié mardi aux premières lignes du soutien à domicile brosse un portrait troublant des conditions de travail des prestataires de soins à domicile pour aînés.
Selon les résultats de l’enquête réalisée auprès de 697 travailleuses du programme de soutien à l’autonomie des personnes âgées à travers le Québec, plus de la moitié des répondantes (55,9 %) considèrent que les exigences de performance fixées par Québec et les gestionnaires ne sont rarement voire jamais atteignables. De plus, 85,4 % d’entre elles dénotent depuis 2015 un accroissement des politiques et des procédures qui alourdissent leur travail en plus de restreindre l’accès aux services.
L’instigatrice de l’enquête et professeure au Département de science politique de l’Université du Québec à Montréal, Maude Benoit, s’indigne des discours politiques qui prétendent faire des soins à domiciles (SAD) pour aînés une priorité, alors que ce secteur durement touché par la pandémie et la pénurie de main-d’œuvre comporte d’importantes lacunes. « D’un côté, on voit les discours politiques qui chantent les louanges des services à domiciles, puis d’un autre on voit des reportages médiatiques et des enquêtes qui soulignent les ratés et les insuffisances des soins à domicile », dénonce-t-elle. Elle ajoute que cet enjeu est complexe à aborder, mais pas insurmontable. D’autant plus que le problème risque de persister en raison de la difficulté du gouvernement provincial à fournir des ressources budgétaires et humaines au même rythme que le vieillissement de la population.
Pour répondre aux exigences des cadres, il arrive que les travailleuses en SAD aient de la difficulté à tout faire et doivent adopter des stratégies pour répondre le mieux possible à la fois aux besoins des usagers et aux demandes des gestionnaires. Par exemple, le tiers des travailleuses admettent gonfler les statistiques pour qu’elles reflètent davantage la réalité du travail investi, la majorité d’entre elles (80,1 %) se voient restreindre les relations d’aide par manque de temps et encore plus de répondantes (85,5 %) ne prennent pas de pauses ou d’heures de repas.
Quant aux pistes de solution envisageables pour faire face à ce problème, Maude Benoit croit qu’il est temps que le Québec pense à une politique globale de la vieillesse. « Avant, le Québec avait accès à une main-d’œuvre gratuite pour prendre soin des enfants et des aînés : les femmes, rappelle-t-elle. Or, les femmes ne devraient pas avoir à tout quitter pour devenir épuisées et dépressives parce qu’elles doivent prendre soin d’un proche et que le gouvernement ne fournit pas assez de services. »
Selon la conclusion du rapport, « le manque et l’instabilité des budgets, la pénurie de main-d’œuvre, la rotation et l’épuisement du personnel, le manque de temps pour réaliser des interventions plus complètes et globales ou de la prévention, ainsi que l’augmentation du nombre d’usagers et l’alourdissement de leur état de santé concourent à une offre de services à domicile qui ne suffit pas à répondre à la demande » expliquent la dégradation des services.