Hydrogène au Canada : les promesses d’un avenir décarboné

Lors de son passage au parc Saint-Édouard de La Baie le 27 août dernier, le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet a relancé le débat sur l’hydrogène au Canada.

Hydrogène au Canada : les promesses d’un avenir décarboné
© Photo de Todd Korol pour Reuters

Le 16 décembre 2020, le gouvernement du Canada a publié la Stratégie canadienne pour l’hydrogène qui présente le développement de cette énergie comme une solution pour atteindre la carboneutralité en 2050. À l’heure des élections, son déploiement divise l’échiquier politique du pays.

Lors de son passage au parc Saint-Édouard de La Baie le 27 août dernier, le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet a relancé le débat sur l’hydrogène au Canada. L’ancien péquiste exhortait le fédéral à abandonner son extraction des énergies fossiles pour favoriser la filière québécoise qui le produit grâce à l’électrolyse, sans émission de CO2.

En effet, de multiples méthodes de fabrication de cet élément chimique très rare à l’état naturel existent. Pourtant, selon l’Agence internationale de l’énergie, 95 % de la production mondiale actuelle est issue des combustibles fossiles. « La gravité n’est pas assez forte pour le retenir, il va donc être lié alors principalement à l’eau et aux hydrocarbures », explique Bruno Detuncq, professeur à la retraite de l’École Polytechnique de Montréal.

Une raffinerie en Alberta

Une aubaine pour l’industrie fossile

L’hydrogène reste donc partiellement généré par les industries de sidérurgie et du pétrole par réaction chimique qui l’utilisent ensuite pour s’autoalimenter. Celui produit directement par l’humain émane essentiellement de la gazéification du charbon et d’un hydrocarbure composé en partie de méthane. On fait alors réagir ce gaz naturel avec de l’eau pour obtenir de l’hydrogène, mais aussi du dioxyde de carbone.

Néanmoins, la stratégie adoptée par le gouvernement canadien favorise ce type de production alors même que pour une tonne d’hydrogène gris produit, douze tonnes de CO2 sont libérées. En décembre 2020, le ministre des Ressources naturelles Seamus O’Regan a annoncé injecter 1,5 milliard de dollars pour stimuler l’industrie de l’hydrogène, tout mode de production confondu. Grâce à cet investissement, 350 000 d’emplois seraient créés. Dès lors, 30 % de l’énergie utilisée par les Canadiens d’ici 2050 proviendrait de ce modèle d’exploitation que le Bloc québécois qualifie de manière « déguisée de continuer à soutenir les sables bitumineux ».

Heureusement, d’autres solutions décarbonées existent. L’hydrogène bleu envisagé par l’exécutif et encouragé par les conservateurs consiste à capter et à stocker le CO2 relâché. Celui-ci est ensuite enfoui sous terre dans d’anciens puits de pétrole ou dans des nappes phréatiques. « Le pétrole et le gaz sont restés plus de 300 milliards d’années dans le sous-sol. On ne peut imaginer que le CO2 va s’y maintenir aussi. La difficulté, c’est qu’il n’y en a pas partout », précise Philippe Tanguy, directeur général de Polytechnique Montréal et expert de l’hydrogène. Mais cette technique peut s’avérer dangereuse puisque des fissures ou des glissements de terrain peuvent provoquer la remontée du CO2 à la surface et causer l’asphyxie d’êtres vivants. Une étude livrée par le professeur d’écologie et de biologie environnementale de l’Université Cornell et son confrère Mark Jacobson de celle de Stanford éclaire sur les limites de l’hydrogène bleu. Après avoir examiné chaque étape du processus de l’usine de ravitaillement Shell en Alberta, l’une des deux présentes au Canada, ils se sont aperçus que 78,8 % du carbone généré avait été récupéré.

Le Bloc québécois lors d'une conférence sur l'hydrogène au Saguenay-Lac-Saint-Jean © Photos de Michel Tremblay pour Le Progrès

Quel avenir pour l’hydrogène vert ?

La filière verte de l’hydrogène par électrolyse dans laquelle le gouvernement Legault a investi 15 millions de dollars apparait donc comme le moyen de production idéal. Il consiste à utiliser l’électricité qui provient de l’éolien, du solaire ou de l’hydroélectricité pour décomposer de l’eau en oxygène et en hydrogène.

Inoffensive pour le climat, cette technique pleine de promesses demeure prohibitive. En générer coûte entre 5 $/kg à 10 $/kg pour 2 $/kg à 4,5 $/kg en ce qui concerne l’hydrogène gris ou bleu. Une solution émerge cependant pour promouvoir l’énergie verte. « À travers les mécanismes de taxe carbone, on pourrait rendre l’électrolyse compétitive ou la subventionner directement » propose Charles Séguin, professeur de sciences économiques à l’UQAM et co-auteur de Réflexions pour la relance du Québec : productivité de la main-d’œuvre, investissements et mutations du commerce international.

Toutefois, l’hydrogène vert réclame une capacité de production électrique non négligeable et possède un fort taux de déperdition énergétique. « La Colombie-Britannique a une part significative de son électricité qui vient de l’hydroélectricité et encore plus pour le Manitoba (…) qui est la province qui ressemble le plus au Québec au niveau de son mix énergétique », précise l’enseignant. Mais la belle province, elle-même sujette à des pénuries, doit parfois en importer depuis l’Ontario ou l’état de New York.

Une utilisation qui s’étend

Bien qu’il occupe de plus en plus l’espace médiatique et que ses infrastructures se multiplient au Canada, Bruno Detuncq déplore l’absence d’intérêt pour l’hydrogène. Il s’inquiète aussi du manque de propositions au sein des différents partis candidats aux élections fédérales. « On a du retard en Amérique du Nord (…) On voit les efforts qui ont été déployés ailleurs dans le monde par les principaux pays industriels. On fait preuve d’une grande timidité. » ajoute-t-il.

Cependant, l’installation progressive d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques en complément de l’hydroélectricité pourrait changer la donne. Dès lors, l’hydrogène vert pourrait être stocké afin d’être exploité dans de nouveaux domaines, tels que celui du transport grâce à l’utilisation de piles ou de batteries. Mais la rareté des ressources nécessaires à leurs constructions et le CO2 que leurs extractions génèrent questionnent sur la pérennité de ces technologies.