Les inégalités hommes-femmes manquent de données
Sept mois après sa création, l'Observatoire francophone pour le développement inclusif par le genre (OFDIG) démontre le besoin criant d'évaluer correctement les inégalités hommes-femmes dans les pays francophones.

Par Camille Brasseur
Il a regroupé ses premiers chiffres dans cinq cahiers de recherche qui seront publiés dans quelques jours.
Les données disponibles sont « limitées et non harmonisées ». Elles ne traduisent pas fidèlement la réalité et « sous-estiment les rôles et contributions des femmes », analyse Marie Langevin, codirectrice de l'OFDIG et professeure à l'Université du Québec à Montréal (UQAM).
« C'est un défi d'avoir accès à des données, même ici », renchérit Linda Cardinal, titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques à l'université d'Ottawa
Le premier symposium international de l'OFDIG a accueilli de nombreuses discussions hier et aujourd'hui à Montréal. Les conférencières sont venues du Canada, du Cameroun, de Côte d'Ivoire, du Congo, de France, du Maroc et du Sénégal. Elles sont chercheuses, professeures, doctorantes, membres d'organisations non gouvernementales ou décideuses, et très motivées par le sujet.
Le premier objectif est de « dresser un bilan pour cerner ce qui est déjà sur le terrain dans différents contextes », explique Aicha Bouchara, chercheuse à Tanger au Maroc. Elle s'intéresse à la violence envers les femmes dans l'enseignement supérieur. Là aussi, les données sont insuffisantes.
L'aiguille dans la botte de foin
Marie Langevin développe : il faut « des données de qualité » pour « brosser le portrait sur le terrain » et « mesurer les effets des programmes ». Avec Zora El Machkouri, membre canadienne de l'OFDIG, elles ont extrait des bases de données accessibles gratuitement « 44 résultats redondants » et « 19 rapports ou études » pertinents.
Zora El Machkouri trouve peu fiables les chiffres transmis par les grandes institutions. « On a besoin des données de ceux qui font le travail sur le terrain », exprime-t-elle.
Caterine Bourassa-Dansereau, codirectrice de l'OFDIG et professeure à l'UQAM, ajoute : « on va avoir besoin de beaucoup de recherche qualitative. »
À partir des données prises sur les sites internet des universités francophones canadiennes, Veika Bedia Donatien, doctorante à l'université d'Ottawa, a établi quatorze tableaux. Elle en déduit que « les universités francophones se sont démarquées et ont été très dynamiques » dans le domaine de l'équité hommes-femmes.
Odome Angone, enseignante-chercheuse à Dakar au Sénégal, appréhende la « prétention universitaire ». Selon elle, l'OFDIG devrait « créer des espaces d'inclusion » et donner la parole à toutes et tous, incluant les « femmes rurales », non scolarisées. « On pourrait apprendre d'elles », estime-t-elle.
Les objectifs de développement durable
Le symposium a pour thème : « Égalité femmes-hommes : moteur du développement inclusif dans la Francophonie »
« Parvenir à l'égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » est le cinquième des dix-sept objectifs de développement durable (ODD) adoptés par les pays membres de l'Organisation des Nations Unies (ONU) en 2015.
Pour Marie Langevin, « L'égalité de genre, c'est non seulement une fin à atteindre, mais c'est aussi un moyen pour atteindre les ODD. »
Mais « où sont les hommes ? », questionne Odome Angone. Elle dénonce « la charge pédagogique des femmes » et demande si « on forme les hommes pour déconstruire le patriarcat ».
Pour Namizata Fofana Binaté, chercheuse en Côte d'Ivoire, « ce sont d'abord nous, les femmes, qui devons prendre en main notre destin ». D'où l'importance que « les femmes participent aux prises de décisions », notamment par la politique. Elle reconnaît cependant : « Nous devons porter ce combat, mais seules, nous ne pourrons pas aller très loin. Nous avons besoin du soutien des hommes. »
L'approche genre comme moteur du développement durable et équitable
Euphrasie Kouassi Yao a donné la conférence d'ouverture. Coordonnatrice nationale du Compendium des compétences féminines de Côte d'Ivoire, elle a présenté les programmes mis en place en Côte d'Ivoire et leurs réussites.
Elle mentionne l'accompagnement aux victimes de violences sexuelles (souvent mineures), le rehaussement de « la place des femmes dans tous les secteurs d'activité », incluant la politique. Son approche englobe tout le monde. Des formations sur le genre sont disponibles en ligne. Elles ont aussi bénéficié aux chefs religieux.
Un Master en Genre, économie et gestion durable de l'eau a ouvert cette année à Cocody. « Quand on forme les gens, ils deviennent des leaders », déclare celle qui est aussi titulaire de la chaire UNESCO « Eau, Femme et pouvoir de décision ».