Enjeu de la sécurité dans les villes: comment cela influence les élections municipales

Le 20 septembre dernier, le Service de police de Montréal (SPVM) enregistrait déjà 97 incidents impliquant des armes à feu sur son territoire, comparativement à 69 tout au long de l’année précédente. Alors que toutes les municipalités sont plongées en élection, la sécurité semble être un sujet souvent mis de l’avant dans la campagne dans plusieurs grandes villes au Québec.
À Montréal, il y a une réponse à cet enjeu dans les deux partis principaux. Denis Coderre a répété plusieurs fois dans la campagne que Montréal était devenue une ville dangereuse. Sa plateforme propose de conserver le financement de la police en plus d'augmenter les effectifs. De son côté, la plateforme électorale de l’équipe de Valérie Plante proposait d’offrir 5 millions de dollars par an pour des organismes communautaires. Les deux plateformes offraient d’autres solutions similaires: l’utilisation de caméras portatives et un plus grand nombre de policiers sur le terrain.
Du côté de Laval, l’enjeu de la sécurité dans les villes est beaucoup moins abordé. La ville occupe toutefois le deuxième rang des villes où il y a eu le plus de violence armée dans la province. Dans une entrevue faite par le Courrier Laval, le nouveau maire de la ville Stéphane Boyer affirmait qu’il ne voulait pas que la violence prenne autant d’ampleur qu’à Montréal. Il souhaite obtenir 1,2 million de dollars du fédéral pour augmenter le nombre de ressources et tient à entretenir un plan d’action avec le Service de police de Laval. Il mise sur une meilleure accessibilité aux sports pour les quartiers défavorisés, solution que ses adversaires Michel Trottier et Sophie Trottier ont également évoquée.
Des communautés inquiètes
Marc Alain, professeur titulaire au département de psychoéducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières et formé en criminologie, pense que cet enjeu touche les électeurs. Certaines communautés ont peur : « Quand on entend des coups de feu dans son quartier, les gens n'ont pas envie de rester. »
La journaliste spécialisée dans les affaires municipales Kathleen Lévesque apporte toutefois quelques nuances. Elle affirme qu’il « faut faire la différence entre la sécurité et le sentiment de sécurité. Les citoyens peuvent avoir un sentiment d’insécurité, surtout si la fusillade a eu lieu à deux coins de rue de leur domicile. » Selon un article du Devoir, « le nombre de crimes violents perpétrés à Montréal et leur gravité ont diminué de façon constante depuis le début du siècle. »
Du côté des électeurs, cela semble être un enjeu important dans la campagne. Dans un sondage CROP recensant 505 lavallois et 1043 montréalais, 32 % des Lavallois plaçaient la sécurité, la lutte aux fusillades et aux gangs de rue comme la priorité numéro un, alors que c’était 26 % du côté des Montréalais.
Dans l'extrait ci-dessous, la journaliste municipale Kathleen Lévesque explique comment Denis Coderre et Valérie ont des points de vue qui divergent par rapport à l'importance de l'implication de la police montréalaise.
La sécurité au provincial
Pour Marc Alain, le pouvoir répressif est plutôt de juridiction provinciale. « L’approche répressive peut bien fonctionner s’il y a une bonne confiance envers la police. » explique t-il, ce qui n’est pas le cas de toutes les communautés. Le profilage racial est durement critiqué dans certains quartiers. Les dossiers de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) à ce sujet ont d’ailleurs doublé dans les trois dernières années. La prévention serait donc une avenue intéressante, surtout pour « le municipal [qui] connaît sa municipalité », comme le dit M. Alain. Les liens avec le communautaire, joueur important pour la prévention des crimes et de la violence, sont beaucoup plus présents lorsqu’on parle du municipal. La prévention doit toutefois s’étendre sur le plus long terme, surpassant les mandats.
Marc Alain explique dans le prochain extrait comment les policiers ciblent certaines communautés des minorités visibles.
Des solutions qui font jaser
Mathieu*, un policier avec plus d’une quinzaine d’années d’expérience et aujourd’hui sergent détective aux crimes généraux au SPVM est plutôt d’avis que les élus municipaux s'immiscent trop dans la police. Selon lui, il faudrait une plus grande distance entre la politique et la police.
La campagne a amené plusieurs débats, notamment autour des caméras portatives, du financement de la police et du nombre de policiers. Pour Mathieu , il est clair qu’il manque d’effectif: « on a pas les moyens de notre criminalité », explique t-il. Néanmoins, les statistiques du SPVM montrent que Montréal a un plus haut taux de policiers par habitant avec 220,5 sur 100 000 comparativement à d’autres villes comme Toronto qui a 183,4 policiers sur 100 000 et Winnipeg avec 177,9.

La question des caméras a aussi beaucoup circulé. Valérie Plante et Denis Coderre sont les deux en faveur de ce projet. Mathieu notait que la prise de toutes ces images pose cependant plusieurs problèmes concernant la gestion des données. L’entreposage de toutes ces données voudrait dire la création de centres de données avec tous les enjeux que ça amène, économiquement et environnementalement. Pour M. Alain, ça demeure tout de même une solution parmi tant d’autres.
Devant les nombreuses facettes de la sécurité urbaine, Marc Alain pense qu’il faudrait davantage écouter les services communautaires et Mathieu le corps policier.
* Nom fictif afin de préserver l’anonymat