Donald Trump conserve ses œillères
Le président américain continue de nier sa défaite à l'élection du 3 novembre dernier.
Le président Donald Trump a continué d'évoquer la fraude électorale sur le réseau social Twitter, mardi, malgré l'officialisation de la victoire de Joe Biden à la suite du vote du collège électoral et de la perte graduelle d'appuis au sein de son parti.
"Il essaie de mettre ses dernières pièces sur la table de jeu" - Anessa Kimball
"Des évidences énormes de fraude électorale se dévoilent. Il ne s'est jamais rien passé de tel dans notre pays!", a aussi écrit Donald Trump, mardi matin.
Les grands électeurs composant le collège électoral ont confirmé lundi soir la victoire de Biden par une majorité de 306 votes contre 232 pour Donald Trump.
Le silence en réponse
Le silence relatif de Trump est éloquent en lui-même, selon certains analystes.
"Je crois qu'il est un peu dans la phase où il l'accepte, mais ne veut pas le présenter de façon publique, estime Anessa Kimball, professeure au Département de science politique de l'Université Laval. Il est encore un peu dans l'idée de protéger ses blessures"
Pour la professeure, l'absence de Donald Trump dans la programmation de son parti et dans les publicités du temps des fêtes en dit beaucoup sur la situation interne "tendue" du camp des républicains. Bien qu'elle ne croie pas qu'il tente de bloquer l'entrée de Joe Biden à la Maison-Blanche, Anessa Kimball s'attend à ce qu'il manœuvre pour sauver sa peau. "Il essaie de mettre ses dernières pièces sur la table de jeu", dit-elle.
Le même son de cloche résonne chez David Dubé, chercheur en résidence à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. "Son absence de commentaires démontre peut-être une certaine déception, raisonne-t-il. Peut-être que lui aussi vient d'avoir un reality check, qu'il vient de réaliser que ça découlait de la lubie de penser que le collège électoral allait déroger à la loi pour appuyer sa présidence plutôt que celle de Joe Biden."
Une étape à l'habitude plus symbolique qu'anxiogène, puisque la loi de 32 États oblige les grands électeurs à voter dans le sens du vote populaire, le vote du collège électoral de cette année aura représenté une épine imaginaire de plus dans le pied de Joe Biden. La conviction affichée par le président sortant quant à sa victoire a déséquilibré la routine d'investiture.
"On ne sait pas si ce sera une transition pacifique ou si [Donald Trump] va faire ça dans le plus grand chaos avec le plus de tweets possible", explique David Dubé.
"Il a une image de soi qui est assez énorme, renchérit Anessa Kimball. Juste de serrer la main de Joe Biden à la Maison-Blanche, pour lui ça va être un défi psychologique et affectif."
Sauver sa peau
D'ici à l'investiture de Joe Biden, Anessa Kimball s'attend à ce que d'autres appuis de Donald Trump imitent l'ex-ministre de la Justice Bill Barr et lèvent le camp.
"Comme un bateau qui commence à s'incliner, il va y avoir des gens qui démissionnent de plus en plus, qui vont sauter du bateau pour essayer de se sauver dans les dernières semaines", illustre la professeure. Le sénateur républicain Rob Portman fait partie du lot, ayant lui aussi reconnu la victoire du candidat démocrate lundi. Le président brésilien, Jair Bolsonaro, a aussi finalement félicité mardi le président élu américain, Joe Biden, avec lequel il s'est dit "prêt à travailler", même s'il est le dernier dirigeant du G20 à lui exprimer ses vœux.
Le premier à tenter d'échapper à son destin sera Donald Trump lui-même, selon Anessa Kimball. "Il y a des rumeurs qui parlent de scénarios de dernière minute dans lesquels Trump pourrait, par exemple, invoquer le 24e amendement pour que [son vice-président] Mike Pence devienne président à son tour pour lui donner l'immunité", rajoute-t-elle.
Même s'il est de coutume que les présidents profitent des dernières semaines de leur présidence pour accorder plusieurs pardons présidentiels, il serait difficile pour le président Trump de se l'administrer lui-même. "À la fin de la journée, il va y avoir des tentatives de se sauver de procédures judiciaires, croit la professeure. Je ne crois pas que personne serait surpris qu'il essaie de faire quelque chose à la dernière minute pour changer son avenir."