Devenir candidate pour un parti politique dans son pays d’adoption

Devenir candidate pour un parti politique dans son pays d’adoption
Anna Simonyan (Crédits : Marie-Soleil Lajeunesse)

En 2012, Anna Simonyan a décidé de quitter l’Arménie et sa famille pour rebâtir sa vie au Québec. Depuis, elle est devenue la première femme arménienne à se lancer en politique au Canada. Portrait de la candidate pour le Bloc Québécois dans la circonscription d’Ahuntsic-Cartierville.

Pendant son enfance et son adolescence en Arménie, Anna Simonyan raconte que sa famille recevait des journaux par la poste et qu’elle était toujours la première personne à les ouvrir pour lire les nouvelles politiques. « Mes parents trouvaient cela drôle de voir une jeune fille de 11 ans qui lisait les journaux », se souvient-elle.

Ses intérêts pour les enjeux politiques ont influencé son parcours universitaire : elle a obtenu une maîtrise en administration des affaires de l’Université américaine d’Arménie en 2001 et un certificat en études démocratiques de l’Université de Birmingham au Royaume-Uni en 2006.

À l’âge de 35 ans, elle prend la décision de quitter l’Arménie pour s’installer au Québec afin de comprendre le processus d’immigration. « C’était un défi personnel et je voulais vraiment recommencer ma vie à zéro », précise Mme Simonyan.

Après son arrivée dans la Belle Province en 2012, elle a fait un certificat en relations publiques à l’Université de Montréal. Avant de présenter sa candidature pour le Bloc Québécois, elle occupait le poste de directrice des comptes dans la compagnie de télécommunications GoCo basée à Montréal.

Au fil des années, elle a rencontré plusieurs personnes d’origine arménienne qui sont établies au Québec. « Dans la communauté arménienne, même si tu ne connais personne, tu vas sûrement rencontrer quelqu’un qui connait plusieurs autres personnes », indique-t-elle.

Un rôle de correspondance

L’engagement de Mme Simonyan avec le Bloc Québécois a commencé en 2020 pendant la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour l’indépendance du Haut-Karabakh, une région du Caucase du Sud. Elle communiquait avec certains membres du parti pour trouver des solutions afin d’arrêter le fournissement des armes par le Canada à la Turquie qui soutenait l’Azerbaïdjan.

(Crédits : iStock)

Pendant cette période difficile pour son pays d’origine, Mme Simonyan a réalisé que le Bloc Québécois était le seul parti qui avait compris sa « douleur ». Elle ajoute que plusieurs « similitudes » existent entre le Québec et l’Arménie, comme « le concept d’une petite nation » qui doit protéger son identité, ses valeurs, sa culture et sa langue.

Mme Simonyan désire être la liaison entre le Québec et la communauté arménienne. Elle a accepté de se présenter à Ahuntsic-Cartierville, car une grande concentration de personnes arméniennes habite dans la circonscription. « Je veux que les Québécois entendent les voix des Arméniens et que les Arméniens entendent les voix des Québécois », signale-t-elle.

Une circonscription libérale depuis 2015

En raison de la pandémie, Anna Simonyan ne pensait pas vivre ses premières élections cette année, mais elle a tout de même décidé de « plonger » dans cette course électorale. Elle ajoute qu’elle est « la plus forte opposition » contre la candidate libérale Mélanie Joly qui est élue dans la circonscription d’Ahuntsic-Cartierville depuis 2015.

Mme Simonyan estime que Mme Joly pourrait « être plus attentive » à certains enjeux mis de l’avant par le Bloc Québécois, comme le besoin de mieux soutenir les personnes aînées, l’augmentation des transferts en santé vers le Québec, la reconnaissance du français comme langue commune et officielle du Québec ou le délaissement du pétrole pour l’utilisation de l’énergie propre.

Une pancarte du Bloc Québécois avec la candidate Anna Simonyan sur la rue Fleury dans la circonscription d'Ahunstic-Cartierville (Crédits : Marie-Soleil Lajeunesse)

Yves Dumas, un ami de Mme Simonyan qui l’accompagne pendant sa campagne, croit que « [l]a réponse positive des électeurs rencontrés lors des porte-à-porte de Anna depuis le début de la campagne et […] celle de la communauté arménienne » pourraient changer la tendance des votes à Ahuntsic-Cartierville.

Anna Simonyan était accompagné de son ami Yves Dumas lors d’un événement organisé par son équipe électorale dans la circonscription d’Ahunstic-Cartierville, le 18 septembre dernier (Crédits : Marie-Soleil Lajeunesse)

Selon la candidate pour le Bloc Québécois, le fait de gagner ou de perdre des élections n’est pas le seul aspect important en politique. « La politique doit créer un débat dans la société et soulever des enjeux », explique-t-elle.

Des facteurs qui pourraient influencer les votes

D’après Anna Simonyan, le fait d’être une femme immigrante n’est pas une raison nuisible à sa campagne électorale. Depuis les dernières années, elle est heureuse de voir que plusieurs jeunes femmes et des personnes immigrantes décident de se lancer en politique au Québec.

Un autre ami de Mme Simonyan, Narek Chakhalyan, croit que sa candidature « va faire réfléchir certaines personnes immigrantes ». Selon lui, le fait que Mme Simonyan soit proche des réalités des personnes immigrantes peut influencer les intentions de vote.

Anna Simonyan a rencontré plusieurs citoyens et citoyennes lors d'un événement organisé par son équipe électorale dans la circonscription d'Ahunstic-Cartierville, le 18 septembre dernier (Crédits : Marie-Soleil Lajeunesse)

Toutefois, Mme Simonyan craint que « son accent » en français et ses « erreurs » orales et écrites reliées à cette langue influencent certains citoyens lors de la journée du scrutin. M. Chakhalyan affirme qu’elle est capable de « se débrouiller » en français et que plusieurs personnes immigrantes qui vont voter à Ahuntsic-Cartierville font les mêmes erreurs dans cette langue.

La candidate pour le Bloc Québécois reconnait que la protection de la langue française est un enjeu important pour le Québec et que sa disparition est « un danger réel ». « La langue d’une petite nation est une richesse qui doit être protégée », conclut Mme Simonyan.