Deuxième journée d'audition pour la juge Amy Coney Barrett
Esquives et contradictions
La juge autoproclamée conservatrice, Amy Coney Barrett, a refusé de se positionner face à plusieurs sujets controversés tels que la loi sur le droit à l'avortement, mardi, lors de sa deuxième journée d'audition devant les membres du comité judiciaire du Sénat américain.
Celle qui a été nominée par le président des États-Unis, Donald Trump, le 26 septembre dernier pour remplacer la juge Ruth Bader Ginsburg, « a esquivé la plupart des questions portant sur des enjeux sociopolitiques partisans et clivants », s'est exprimée Véronique Pronovost, doctorante en sociologie à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et membre de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques.
Amy Coney Barrett a été questionnée quant à la loi sur le droit à l'avortement (Arrêt Roe v. Wade, 410 U.S. 113), sur les droits des minorités sexuelles, ainsi que sur le 2e amendement de la Constitution portant sur les armes à feu. Chaque fois, la juge a adopté une attitude qui n'est pas sans rappeler celle du juge Brett Kavanaugh (dont les auditions de nomination s'étaient tenues en 2018). Ce dernier qui faisait face à des accusations d'agressions sexuelles, notamment, évitait de répondre clairement aux questions qui lui étaient posées.
« Ce fut la même chose pour tout ce qu'on lui a demandé », a affirmé Valérie Beaudoin, chroniqueuse politique au 98.5fm et chercheuse à la Chaire de recherche Raoul-Dandurand. « Quand les sénateurs démocrates ont demandé à la juge Coney Barrett si elle entendait se retirer de toute décision dans l'éventualité où les résultats de l'élection de novembre prochain étaient contestés et que ça s'en allait devant la Cour Suprême, elle n'a pas fermé la porte, mais ne s'est pas non plus engagée à le faire », a-t-elle ajouté en entrevue pour L'Atelier.
La juge Amy Coney Barrett a affirmé ne recevoir aucune pression de la part des membres de la Maison-Blanche et a plutôt répondu : « ce n'est pas mon rôle ici, si je suis acceptée comme juge à la Cour Suprême, je regarderai dans les circonstances, avec le dossier que j'ai, aidée par les gens qui me conseille et je prendrai des décisions éclairées. »
Un grand risque
Les démocrates pensent que les citoyens américains courent un grand risque de perdre leur assurance santé si le comité judiciaire recommande finalement au Sénat d'admettre la juge Amy Coney Barrett dans ses rangs. En effet, ces derniers fondent principalement leurs arguments contre la juge Coney Barrett sur le renversement potentiel de la loi Obamacare (Affodable Care Act). Les démocrates soutiennent que plusieurs décisions rendues par la juge dans le passé allaient à l'encontre de cette loi, qu'elle avait d'ailleurs déjà qualifiée de loi anticonstitutionnelle.
Contradictions républicaines
Rappelons que lors de la dernière année au pouvoir de l'ex-président Barack Obama avant la réélection de 2016, les sénateurs républicains avaient bloqué la nomination d'un juge à la Cour Suprême. Selon Véronique Pronovost, le républicain Lindsey Graham avait en effet affirmé « que le président en poste devait attendre le résultat des élections et que la personne élue effectuerait par la suite la nomination du nouveau ou de la nouvelle juge à la Cour suprême. Depuis, a-t-elle ajouté, il a complètement changé d'idée. »
S'il est vrai que les démocrates ont beaucoup à perdre, notamment en insistant trop sur la foi d'Amy Coney Barrett, certains sénateurs républicains pourraient eux aussi perdre gros lors des prochaines élections, selon les analystes. C'est notamment le cas du sénateur de la Caroline du Sud, Lindsey Graham, qui est président du comité judiciaire sénatorial pilotant les auditions entourant la confirmation de la juge. Depuis le décès de la juge iconique Ruth Bader Ginsburg (RBG), le sénateur Graham a joué un rôle de premier plan pour accélérer son remplacement et confirmer la nomination de la juge Amy Coney Barrett. « Certains analystes estiment que la grogne est suffisamment importante pour remettre en cause sa réélection en novembre 2020. On lui reproche l'incohérence de son discours et son manque de respect à l'égard de RBG...Bref, on lui reproche son opportunisme politique qu'il ne prend même plus la peine de masquer! », s'est finalement exprimé Véronique Pronovost.
Encadré :
Amy Coney Barrett serait la 9e juge à être à joindre les rangs du Sénat américain, depuis 1991.
1- Clarence Thomas, Juge assesseur, nommé par George H. W. Bush en 1991
2- Stephen Breyer, Juge assesseur, nommé par Bill Clinton en 1994
3- John G. Roberts Jr., Juge en chef (17e), nommé par George W. Bush en 2005
4- Samuel Alito, Juge assesseur, nommé par George W. Bush en 2006
5- Sonia Sotomayor, Juge assesseur, nommée par Barack Obama en 2009
6- Elena Kagan, Juge assesseur, nommée par Barack Obama en 2010
7- Neil Gorsuch, Juge assesseur, nommé par Donald Trump en 2017
8- Brett Kavanaugh, Juge assesseur, nommé par Donald Trump en 2018
https://www.supremecourt.gov/about/justices.aspx?fbclid=IwAR0CcepkU51VSJU0sVFWAh4Weg3FyLyw4ewZpBQGGp9m1V261Pv8c0Nf6bw