Campagne municipale dans Ahuntsic-Cartierville : les pistes cyclables au coeur du débat

Les pistes cyclables ont fait les frontispices à maintes reprises cette année. Signe de son temps, la dernière campagne municipale n’a pas oublié d’adresser ce sujet qui a animé les débats et teinté les élections. Portrait de la circonscription Ahuntsic-Cartierville, divisée par l’enjeu.
Par Anaïs Desjardins et Sarah Brulé
Projet Montréal et Ensemble Montréal ont tous les deux promis d'améliorer la circulation et les déplacements. Projet Montréal a misé sur les « transports en commun et [les] transports actifs ». Le parti souhaite réaménager le boulevard Henri-Bourassa, implanter un trottoir et une piste cyclable sur le boulevard Gouin Ouest dans le secteur Saraguay et développer un réseau cyclable sécuritaire, selon sa plateforme disponible en ligne.
Ensemble Montréal souhaite plutôt réduire le flux de circulation dans les rues résidentielles du territoire et gérer le trafic local et ce, « dans le respect de tous les usagers de la route : piétons, cyclistes et automobilistes », indiquait un communiqué de la candidate de la circonscription, Chantal Huot.
Des promesses réjouissantes, mais insuffisantes
Pour Cynthia Falaise, membre de l’Association mobilité active Ahuntsic-Cartierville (AMAAC), les pistes cyclables sont indispensables et « nettement insuffisantes » dans Ahuntsic-Cartierville. En ce sens, les promesses électorales de Projet Montréal en lien avec le boulevard Henri-Bourassa sont réjouissantes, mais insuffisantes selon l’AMAAC. Il semble que la campagne municipale ait tout de même oublié certaines artères clés dans l’arrondissement.
Toutefois, selon la cycliste, certaines demandes n’ont pas été adressées adéquatement. « Il faudrait minimalement des pistes sur [la rue] Saint-Hubert et [l’avenue] Christophe-Colomb avec des voies actives sécuritaires comme lors de l’été 2020 », juge Cynthia Falaise. Lors de la campagne municipale, aucune annonce claire n’a été faite au sujet de ses deux artères routières importantes. Le complexe sportif Claude-Robillard et le Collège Ahuntsic sont deux pôles importants du quartier et, pourtant, il est difficile de s’y rendre en toute sécurité, déplore-t-elle.
En ce sens, les promesses électorales de Projet Montréal en lien avec le boulevard Henri-Bourassa sont réjouissantes, mais insuffisantes selon l’AMAAC. Il semble que la campagne municipale ait tout de même oublié certaines artères clés dans l’arrondissement.
Cynthia Falaise précise que, contrairement à l’arrondissement Plateau Mont-Royal, les rues du quartier Ahuntsic-Cartierville sont très larges, il serait donc possible pour le gouvernement d’en faire beaucoup plus pour les cyclistes. « Malheureusement, les rues sont souvent des pistes de course puisqu’il manque d’aménagements pour faire ralentir les automobilistes. Il y a tellement à faire que l’on aurait aimé que ce soit un enjeu plus important dans la campagne », se désole-t-elle.
Elle rappelle que les meilleures pratiques pour entamer des aménagements cyclables prennent en compte les plus vulnérables. « Il faut se demander, laisserait-on un enfant de six ans rouler sur une piste avec simplement des lignes blanches proches des voitures passantes ou une chaussée désignée? Ça prend des pistes séparées de la circulation. Une bonne piste en est une où l’on voit des jeunes et des aînés », souligne la membre de l’AMAAC.
D’ailleurs, elle note que, depuis l’arrivée des nouvelles pistes sur les rues Sauriol et Prieur, transformant alors ces rues en sens unique, plus de familles utilisent le vélo comme moyen de transport utilitaire pour se rendre au travail ou à la garderie, un exemple de la primordialité d’avoir des pistes sécuritaires.
Les commerçants oubliés
Bien que le débat des pistes cyclables ait fait couler beaucoup d’encre durant l’été, certains commerçants se sont parfois sentis oubliés. Le manque de consultations de la part des pouvoirs politiques avant la mise en place de projets changeant drastiquement la circulation routière peut avoir des conséquences directes pour leur commerce.
Par exemple, en raison de la pandémie, les trottoirs de la rue commerciale Fleury ont été élargis à certains endroits. Ce faisant, moins de places étaient disponibles pour se stationner. Il en va de même pour les voies double pour vélo aménagées sur l’avenue Christophe-Colomb qui ont suscité l’indignation de certains automobilistes.
Le professeur au département des sciences économiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Nicholas Peter Lawson, souligne toutefois que tout dépend du quartier et des types de magasins. « Certains magasins de grandes surfaces nécessitent que les clients prennent la voiture [pour s’y rendre et ramener leurs achats] et le manque de stationnement [causé par les nouvelles pistes cyclables par exemple] devient problématique. Pour les petits commerçants, les pistes cyclables sont avantageuses puisque plusieurs clients peuvent les utiliser », explique M. Lawson.
La gérante de la boutique Muscade Prêt-à-Porter, située sur la Promenade Fleury, croit que l’ajout de pistes cyclables peut être positif, comme négatif. Si certaines clientes cyclistes apprécient les nouvelles pistes cyclables, d’autres en sont exaspérées. « La boutique a reçu plusieurs commentaires au niveau des places de stationnement pour les voitures et de l'accessibilité », précise Catherine Séguin Grignon, employée de la boutique depuis près de 17 ans.
Mme Séguin Grignon estime que les commerçants sont directement touchés par les décisions du palier municipal. Elle estime que, par moments, les partis politiques pourraient davantage prendre en compte les commerces qui ne sont, à son avis, pas assez questionnés lors des changements routiers.
Route partagée
Félix Lefebvre habite et vote dans la circonscription Ahuntsic-Cartierville. Comme activité de loisir, il se déplace en vélo de course. Or, il reconnaît qu’il prend plus souvent la voiture pour se déplacer et admet que l’emplacement de certaines pistes cyclables peut être contraignant pour les automobilistes.
Pour lui, les pistes cyclables « ont de bons emplacements et desservent plusieurs personnes dans la métropole, mais certaines artères, comme Berri et Saint-Denis, ne devraient pas avoir de pistes [pour ne pas bloquer la circulation]. » Il prône les installations temporaires, sans briques, pour permettre le stationnement en hiver : un entre-deux dans le débat actuel.
Toutefois, Cynthia Falaise reste d’avis que les pistes construites lors de la pandémie ont permis de modifier l’urbanisme rapidement pour peu de frais. Elle demeure, ce faisant, optimiste et espère que Projet Montréal, élu le 7 novembre dernier, tiendra ses promesses électorales en permettant à plus de personnes d’user des transports actifs.
Photos prises par Sarah Brulé