Campagne fédérale et environnement : entre désillusion et déception
Au grand dam de certains, la campagne fédérale a accordé trop peu d’importance à la crise environnementale.
Plusieurs souhaitent que la vitesse de réaction face à la pandémie puisse servir d’exemple pour l’action climatique, mais la plus récente campagne électorale en a déçu plus d'un. Portrait de deux jeunes électrices pour qui la campagne n'a été que poudre aux yeux.

Par Anaïs Desjardins et Sarah Brulé
La campagne fédérale a été déclenchée quelques jours après le plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le constat qui en émane est sans précédent : le seuil acceptable de la hausse des températures de 1,5 degré pourrait être atteint d’ici 10 ans et, si rien n’est fait, la hausse des températures pourrait atteindre 4 degrés d’ici la fin du siècle. Selon la boussole électorale, pour plusieurs électeurs, l’enjeu le plus important de cette campagne était l’environnement.

Les promesses environnementales des divers partis ont été plus complètes que par les années passées. Ceci dit, en pleine crise climatique, certains ont l’impression que leurs préoccupations n’ont pas été prises au sérieux. L’Atelier est allé à la rencontre de deux jeunes électrices déçues, tant par la campagne que par son issue.
Le portefeuille prime sur l’environnement
Pour la professeure en politique à l’Université de Montréal Ruth Dassonneville, les gouvernements hésitent à proposer des mesures environnementales draconiennes par peur de perdre des votes.
« Pour beaucoup d’électeurs, ce sont les conséquences négatives [sur leur] portefeuille qui influencent leur vote, d’autant plus que les retombées positives des mesures environnementales ne se perçoivent que sur le long terme », précise la titulaire de la Chaire de recherche du Canada en démocratie électorale.
Certains se sentent cependant oubliés. Maïla Campbell, électrice pour la première fois cette année, ne s’est pas sentie interpellée par les promesses environnementales des partis qui, selon elle, auraient dû miser davantage sur l’enjeu climatique.
L’étudiante au Collège Sainte-Anne a manifesté pendant près d'un an lors des marches pour le climat avec son école, mais peu de changements concrets ont suivi. Elle perçoit chez les jeunes de sa génération un essoufflement, faute d’être écoutés comme ils le souhaitent.

Hypocrisie et fausses promesses
Maïla critique d’ailleurs l’hypocrisie des gouvernements précédents. Historiquement, les deux partis en tête lors de l'élection (le Parti libéral et le Parti conservateur) n’ont jamais fait des luttes environnementales une priorité.
À titre d’exemple, au dernier congrès du Parti conservateur du Canada en mars dernier, 54% des membres se sont opposés à une proposition visant à reconnaître l’existence des changements climatiques. Encore cette année, le Parti libéral du Canada a acheté le pipeline Trans Mountain pour transporter 900 000 barils de pétrole albertain par jour vers la côte ouest du pays bien que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) somme de renoncer à tout projet d’énergie fossile par souci environnemental.
Participation électorale
Pour Gabrielle Lorimier-Dugas, les manifestations sont utiles, mais elles ne sont pas suffisantes pour mener à de réels changements au niveau politique.
« J’ai choisi comme secteur d’implication les partis politiques puisque je trouve que ça permet de faire des liens entre les différentes luttes de manière active », décrit celle qui s’implique pour Québec Solidaire à l’échelle provinciale et pour Projet Montréal à l’échelle municipale.
Pourtant, elle a décidé de ne pas voter aux élections d’hier puisqu’elle doute de la volonté de changement des partis à ce palier gouvernemental. « Je ne crois pas au Canada comme vecteur de changement, particulièrement sur les questions environnementales puisque l’économie canadienne est basée sur l’exploitation pétrolière et les sables bitumineux », annonce l’étudiante en droit à l’Université de Québec à Montréal. D’ailleurs, votant dans Ahuntsic-Cartierville, une circonscription considérée comme un château fort du Parti libéral du Canada, elle croit que sa voix aurait eu peu de poids.
Ruth Dassonneville soutient qu’un taux de participation faible peut effectivement indiquer aux partis une certaine insatisfaction citoyenne.
Si Gabrielle fait partie de ces jeunes pour qui la récente élection semblait une mascarade sur le plan environnemental, elle compte bien investir son temps dans la campagne municipale de 2021. C’est à ce niveau que les choses peuvent changer, croit-elle, tout comme la coalition citoyenne La Planète s’invite à la mairie.