Boire ou ne pas boire, telle est la question

Le Québec entretient une relation intime avec l'alcool

Boire ou ne pas boire, telle est la question
Le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substance indique qu’aucune quantité d’alcool n’est bonne pour la santé. PCC0 1.0 Universal

Que ce soit pour célébrer, socialiser ou oublier, il n’est pas rare de retrouver de l’alcool dans des regroupements sociaux de tout genre. Le modèle de consommation des Québécois s’inscrit dans un contexte historique et une culture particulière qui influencent chaque étape de leur vie. Pleins feux sur ces différentes étapes et l’influence de l’alcool sur celles-ci.

«Les Autochtones du Canada ne produisaient pas d’alcool, contrairement aux habitants de l’Amérique du Sud, qui en faisaient à partir de cactus. L’alcool est arrivé grâce aux Français. Les marins amenaient toujours avec eux de l’alcool à bord de leurs bateaux pour faciliter leurs périples», affirme le professeur en histoire de l’alcool à l’Université Carleton en Ontario, Roderick Phillips.

L’historien renchérit : «l’alcool faisait partie de la diète en Europe, donc ils devaient absolument en avoir dans ce nouveau monde qu’est l’Amérique. Ils privilégiaient l’importation de vin, qui était leur alcool prisé». Cet héritage français de vins explique, selon M. Phillips, pourquoi, encore à ce jour, les Québécois sont les plus grands consommateurs de vins au pays.

Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, en 1914, plusieurs provinces ont mis en place la prohibition pour préserver les céréales pour les produits d’alimentation. «Ils voulaient aussi prévenir la consommation d’alcool pour que les personnes soient productives et que l’économie soit en marche durant la guerre», souligne l’historien. Contrairement aux autres provinces canadiennes, il n’y a jamais eu de prohibition au Québec en raison de la résistance des Québécois.

Dans les années 1920, après la prohibition, toutes les provinces ont mis en place des endroits pour la vente d’alcool, soit la Commission des liqueurs au Québec.

Au fil des ans

M. Phillips explique que la place de l’alcool a beaucoup évolué dans la société au fil des années. Jusqu’aux années 1980, l’alcool était considéré comme quelque chose de sain pour les consommateurs. « La majorité de la population québécoise désirait continuer à boire de l’alcool pour des raisons de santé. Ça faisait partie de leur diète de boire de l’alcool, comme les colonisateurs français de l’époque.»

Aujourd’hui, le modèle de consommation des Québécois ressemble beaucoup à celui de la Colombie-Britannique. C’est-à-dire que les Québécois boivent régulièrement, mais n’ont pas un taux d’intoxication élevé, comparativement au Nunavut ou aux Territoires du Nord-Ouest, où le taux est plus inquiétant, explique Louise Nadeau, ancienne directrice d’Éduc’Alcool.

Somme toute, un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec révèle que 81 % des Québécois de 12 ans et plus ont consommé au moins une fois au cours de l’année 2017-2018.

Du verre à la personne

Le rapport qu’un individu entretient avec l’alcool évolue au fur et à mesure qu’il grandit. Selon une étude d’Éduc’Alcool datant de 2019, 53,2 % des élèves du secondaire consomment déjà de l’alcool. Certains vont même jusqu’à se créer de fausses cartes d’identité. Selon la psychologue Katia Bissonnette, « les adolescents sont toujours attirés vers l’interdit et, aujourd’hui, c’est plus facile d’avoir une fausse carte qu’il y a 30 ans, donc c’est un moyen comme un autre de franchir plusieurs interdits et de se sentir valorisé ».

Les jeunes adultes qui fréquentent des institutions postsecondaires sont confrontés à une prédominance de l’alcool dans leurs soirées, dans leurs activités d’intégration ou simplement dans les différents bars qui entourent les universités. Mme Bissonnette voit la consommation d’alcool chez les universitaires comme étant un moyen pour eux « de vaincre leur anxiété par rapport au fait de connecter avec les autres». Elle affirme qu’ils ont souvent besoin d’alcool pour se dégêner et socialiser dans ces événements sociaux.

Selon Louise Nadeau, plusieurs personnes de plus de 60 ans font face à une surconsommation d’alcool due à l’isolement, aux deuils et à l’ennui.  Selon une étude de l’INSPQ publiée en 2020, environ 75 % des personnes de 65 ans et plus consomment de l’alcool. Le tiers dépasse également une des limites de consommation d’alcool à faible risque pour les personnes âgées proposée par la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées.

Roderick Phillips nuance toutefois ces chiffres en précisant que la relation avec l’alcool est spécifique aux valeurs et au mode de vie. Les baby-boomers, par exemple, ont grandi dans une époque où les gens buvaient beaucoup d’alcool et continuent à boire au fil de leur vie.

1917

La prohibition est en vigueur partout au Canada sauf au Québec.

1921

Création de la Commission des liqueurs du Québec.

Photo fournie par la SAQ

1970

Création des premières succursales libre-service.

Photo fournie par la SAQ

1971

Création de la Société des alcools du Québec (SAQ).

1989

Création d’Éduc’Alcool.