Trois migrants sur quatre sont refoulés à la frontière

Par Marianne Lafleur

Des dizaines de milliers de migrants sont passés par le chemin Roxham pour entrer au Canada dans les dernières années. Or, depuis 10 jours, de nouvelles clauses ajoutées à l'Entente sur les tiers pays sûrs ont mené à la fermeture du chemin Roxham. L'Atelier s'est entretenu avec l'avocat spécialisé en immigration Stéphane Handfield afin de faire le point sur la situation.

Que se passe-t-il avec les personnes qui empruntent le chemin Roxham présentement ?

Les migrants qui traversent le chemin Roxham sont arrêtés par la GRC et conduits à un poste de contrôle officiel qui est, dans ce cas-ci, Saint-Bernard-de-Lacolle. Ensuite, l'agent évalue la recevabilité de la demande d'asile en fonction des critères de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Si une personne ne correspond pas à une exception de l'entente, elle est renvoyée aux États-Unis.

Qui est exempté de l'Entente sur les tiers pays sûrs?

Des exceptions sont prévues pour les migrants qui ont un membre de la famille déjà établi au Canada. Un mineur non accompagné peut également être admissible à la demande d'asile au Canada, mais il ne doit pas avoir de parents aux États-Unis pour que la demande de l'enfant soit acceptée. Alors, si l'enfant passe par la douane officielle comme étant un mineur non accompagné et qu'on découvre que la mère arrive le lendemain sous le prétexte de venir rejoindre un membre de la famille, on pourrait faire une interdiction de territoire à l'enfant de fausse déclaration puisque la mère était aux États-Unis. De plus, l'Entente sur les pays sûrs s'applique seulement pour les 14 premiers jours, donc quelqu'un qui passe illégalement par le bois pourra sortir de la clandestinité le 14e jour et demander l'asile sans que l'entente s'applique.

Comment ce délai de 14 jours est-il calculé ?

Il est très difficile de calculer ces 14 jours-là. L'Agence des services frontaliers ne veut pas se prononcer sur les techniques d'enquête qu'elle va utiliser pour tenter de savoir si la personne a traversé il y a 13 jours ou plus. S'ils constatent que la personne est arrivée aux États-Unis il y a 5 jours, on saura que la personne n'a pas traversé il y a 14 jours.

La fermeture du chemin Roxham est-elle une solution efficace ?

C'était incompréhensible que l'entente ne s'applique pas à un passage irrégulier. C'était une lacune dans la version initiale qui vient d'être corrigée. Toutefois, seulement le temps nous dira si on aura des résultats positifs et si l'ensemble des demandeurs d'asile seront répartis sur l'ensemble du territoire. Le gouvernement n'avait pas le choix, et le statu quo n'était plus une solution. C'était rendu intenable pour le Québec de recevoir tout le flot des demandeurs d'asile avec ce que ça amenait comme conséquence sur les ressources des organismes communautaires et du logement, entre autres.

Le nombre de migrants en provenance des États-Unis a-t-il diminué?

Oui. Considérablement. En février, c'était 4517 personnes qui sont passées par le chemin Roxham, ce qui fait entre 100 et 200 personnes par jour. Depuis, l'entrée en vigueur de l'entente, on parle d'une vingtaine de personnes. Selon les données de l'Agence des services frontaliers, depuis la modification de l'Entente jusqu'au 2 avril 23h59, un total de 199 demandes de personnes traversant entre des points d'entrée désignés ont été traitées, et 144 demandeurs d'asile ont été renvoyés aux États-Unis.

La fermeture du chemin Roxham va-t-elle inciter les migrants à emprunter des chemins clandestins plus dangereux ?

Il y en a qui vont tenter de passer ailleurs. Il y en a toujours eu, mais je doute qu'il y en ait autant. Ce qui était avantageux avec Roxham, c'était son accessibilité. Les gens arrivaient avec poussettes et valises. Je ne pense pas que la plupart vont s'aventurer vers des chemins plus dangereux et marcher pendant une heure dans un bois. Certains vont le faire, mais ce ne seront pas les 40 000 qui passaient par Roxham qui vont maintenant passer ailleurs.