Les associations d'aide aux migrants sont épuisées
Les organismes communautaires sont à court de moyens face à la crise
Par Louis Olivier
À l'occasion de la Journée des droits des réfugiés, une coalition de différents organismes communautaires de Montréal manifeste leur épuisement par manque de ressources et dénonce une politique d'évitement de la part des pouvoirs publics.
Lors d'une conférence de presse tenue mardi matin par la coalition, les acteurs associatifs de l'assistance des demandeurs d'asile ont demandé des solutions pérennes au gouvernement. Le milieu associatif d'aide aux migrants de Montréal avait déjà lancé un appel similaire en janvier dernier, mais il peine à se faire entendre.
La fermeture du chemin Roxham, dernière décision en matière de politique migratoire, ne serait qu'un petit pansement sur une plaie béante.
Des solutions partielles
Sur l'année 2022, plus de 60 000 demandes d'asiles ont été présentées en raison de persécution dans le pays d'origine des demandeurs. Pour répondre à cette crise, le Canada et les États-Unis ont passé une entente sur les tiers pays sûrs. Cette entente raffermit les règles encadrant le statut de réfugiés et les passages à la frontière terrestre, notamment en fermant le chemin Roxham, là où près de 40 000 migrants seraient entrés au Québec en 2022.
Selon les organismes communautaires, la fermeture du chemin n'empêche pas les migrants de franchir la frontière. " C'est la porte ouverte aux passeurs ", soutient Sylvie Guyon, coordinatrice au Centre social d'aide aux immigrants. Les associations s'opposent aux nouvelles clauses de l'entente, les jugeant contraires aux droits fondamentaux des demandeurs d'asile. Une solution inefficace, donc, pour répondre à une crise migratoire qui risque de s'empirer.
Les organismes communautaires réclament que les demandeurs d'asile soient traités au même titre que les quelque 120 000 Ukrainiens arrivés en 2022, qui bénéficiaient d'un meilleur traitement que la majorité des demandeurs d'asile. Le regroupement associatif peine à s'expliquer cette iniquité.
Certaines organisations expliquent ce supposé favoritisme par des considérations purement administratives, alors que d'autres y voient un racisme d'état. Ralph Shay, coordinateur pour la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, se désole de ne pas pouvoir éclaircir ce débat au sein des associations. " On n'a pas le luxe de s'engager dans un débat d'idées, l'urgence fait qu'on s'occupe des besoins vitaux pour le moment ", déplore-t-il.
Des organismes peu et mal financés
Rien que pour les soins et les services sociaux, les organismes sociaux manquent de 110 millions de dollars de financement par an.
Dernièrement, le gouvernement du Québec a débloqué un fonds d'urgence de 3,5 millions de dollars destinés à répondre à la surcharge à laquelle les organismes font face : " Nos services sont étirés au maximum. On est à 400 % de notre capacité", déplore Jean-Sébastien Patrice, directeur général de la cafétéria MultiCaf, une ressource communautaire en alimentation qui dessert Côte-des-Neiges. Mais ces 3,5 millions n'auraient pas été répartis de manière équitable entre les différents acteurs associatifs.
Répartition par Centraide
Le fonds a été perçu par la fondation Centraide du Grand Montréal, qui s'est chargée de la répartition. Or, il existe déjà des procédures permettant de répartir l'argent public. L'utilisation d'une fondation est certes un moyen d'accélérer le processus d'investissement de l'argent public dans des causes sociales, mais il porte préjudice aux organismes si ces derniers ne sont pas déjà en lien avec la fondation qui reçoit les fonds.
Par exemple, l'organisme Carrefour Solidarité Anjou, qui aide les immigrants dans leur intégration, n'a rien reçu des 3,5 millions distribués, alors qu'il propose une assistance considérable en matière d'accompagnement administratif, et de formation linguistique et civique.
La délégation aux fondations leur donne tous les droits sur la répartition du budget, tout en dédouanant le gouvernement de ses responsabilités.