Des bris de service surviendront

Des avocats de l'aide juridique seront en grève dès le 6 avril

Des bris de service surviendront
Des avocats de l'aide juridique ont voté pour cinq jours de grève. (Illustration : Magali Brosseau)

Par Frédéric Rondeau

La grève des avocats de l'aide juridique, qui sera déclenchée jeudi, pourrait compromettre l'accès à un avocat, un droit fondamental, et occasionnera assurément des bris de service, selon des avocats.

Ce conflit de travail oppose les avocats qui sont membres de syndicats de la Fédération des professionnels liée à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) au gouvernement du Québec. La grève votée aura lieu les 6, 11, 12, 13 et 14 avril.

Les régions de Montréal, de Laval, de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent, des Îles-de-la-Madeleine, de la Montérégie, des Laurentides et de Lanaudière seront affectées par cette grève.

La convention collective étant échue depuis 2019, ces avocats souhaitent une égalité de rémunération avec les procureurs de la Couronne.

"C'est le seul enjeu qu'il reste à régler dans notre convention ", déclare Justine Lambert-Boulianne, présidente du Syndicat des avocats et avocates de l'aide juridique de Montréal et Laval-CSN.

Bris de service

Me Elfriede-Andree Duclervil croit que le droit fondamental d'accéder à un avocat sera compromis.

"C'est clair que l'accès à un avocat sera compromis. Tout le monde a droit à une justice pleine et entière. Les accusés ainsi que les plaignants ont droit à une résolution rapide", assure l'avocate.

Me Nicolas Lemelin, du bureau d'aide juridique de Saint-Jérôme, ne peut assurer que ce droit sera en jeu.

"Je ne peux pas me prononcer puisque je ne sais pas quelle mesure va être mise en place par la direction pour s'assurer que le service va être maintenu", explique-t-il. "Évidemment, il y aura une rupture de service à moins que, par exemple, les directeurs assument ce service, mais je n'ai pas d'informations relativement aux mesures qui seront prises", mentionne-t-il.

"Je pense que ça va créer beaucoup de bris de service. À terme, quelqu'un qui n'aurait pas eu son droit à l'avocat pourrait voir les accusations contre lui être levées, car il n'a pas eu ce droit fondamental [d'accès à l'avocat]", explique Me Lambert-Boulianne.

Une justice pénalisée

Certaines personnes devront se représenter seules devant la justice lors des prochains jours.

"C'est le pire cauchemar d'un procureur de la poursuite et d'un juge : avoir accès à un client difficile qui n'est pas représenté par [un] avocat", a expliqué Me Duclervil. Elle ajoute que les avocats en aide juridique travaillent avec une clientèle «fragile», comme des étudiants et des gens qui ont des problèmes de santé mentale.

"On pénalise les clients, on pénalise le système de justice. Ce fameux accès à la justice dont le ministre Jolin-Barrette parle constamment, c'est lui qui l'enlève. La seule personne qui semble avoir le pouvoir de mettre fin à ce conflit, c'est la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel. Elle sait ce qu'on fait et c'est ça que je trouve décevant", atteste l'avocate, qui croit que le système de justice sera perturbé «gravement».

Délais à prévoir

Les dossiers qui doivent se tenir lors des jours de grève seront reportés selon les avocats interrogés.

"Il va y avoir des enjeux sur la garde téléphonique et l'accès aux comparutions et visiocomparutions. Toutes les causes qui sont fixées pendant ces jours de grève doivent être reportées à des dates qui peuvent être assez lointaines. Ça va causer beaucoup de délais", dit Me Lambert-Boulianne.

Selon l'avocate, des milliers de personnes par semaine bénéficient de l'aide juridique à travers le Québec. Ces personnes devront trouver une solution en cas de besoin d'aide juridique.

"Ils peuvent se référer au service de référence du barreau pour voir s'ils auront des services à offrir pour pallier minimalement. Nous savons que l'association des avocats de droit de la défense au Québec nous appuie ", souligne Me Lambert-Boulianne.

Pour Me Lemelin, la solution pourrait être le privé.

"Il y a des avocats en pratique privée qui acceptent les mandats d'aide juridique. Par contre, je ne sais pas si le système va être capable de combler le rôle qu'on occupe. La solution la plus simple serait qu'on règle le problème", dit-il.