La tarification sociale fait ses preuves
Les tarifs réduits seraient un important moteur d'équité et d'inclusion
Par Charles Séguin
Payer à la hauteur de ses moyens, n'est-ce pas le rêve de tout consommateur? Aux 3 paniers, l'épicerie populaire du Carrefour Solidaire, la clientèle choisit le prix qu'elle souhaite payer pour chaque produit. Ce modèle de tarification s'implante progressivement dans les organismes communautaires et les services publics de la province.
La Ville de Québec annonçait lundi que le prix du billet d'autobus serait réduit du tiers pour la clientèle à moindre revenu. Des tarifications sociales semblables sont aussi implantées à Trois-Rivières et en Outaouais.
Ce système de paiement équitable offrant des prix adaptés à la situation de chacun voit aussi le jour dans le secteur communautaire, où les bénéfices sont palpables.
"Un tissu social fort"
Pour chaque produit sur les tablettes de l'épicerie 3 paniers, un bas prix, un prix semblable à celui du marché et un prix incluant un don à l'organisme sont déterminés.
On y offre aussi des dîners payables de façon volontaire, deux fois par semaine, de l'accompagnement communautaire et des activités.
"Chaque petit don qu'on reçoit retourne directement à la communauté", explique fièrement Sylvain, employé de l'épicerie située rue Sainte-Catherine Est dans le quartier Centre-Sud.
"Tous les jours, on voit des clients pauvres, mais aussi des employés de bureau, des étudiants", confie Sylvain. Des clients venant de tous horizons y affluent pour s'y procurer des produits de base, des fruits et légumes, de la viande et des produits laitiers, presque tous locaux.
Cet amalgame de personnes permet à tous de mettre de côté le statut social, le jugement et les apparences. L'employé croit qu'"avec tous ces gens qui se rencontrent, on crée un tissu social fort et important pour tous".
"Notre tarification sociale fonctionne grâce aux subventions qu'on reçoit, et ça doit demeurer ainsi", précise Sylvain. Selon lui, de tels systèmes peuvent être implantés dans d'autres organismes communautaires, comme des friperies ou des boutiques de livres usagés, mais pas dans le secteur privé. " Il faut éviter la compétition déloyale ", dit-il.
En aidant un homme à se procurer les ingrédients pour une sauce à spaghetti, Sylvain confie qu'il observe quotidiennement les bienfaits de son épicerie sur la population. "L'important, dit-il, c'est que tous soient les bienvenus ici et qu'ils aient de bons produits à se mettre dans le ventre."
Inclusion
Pour accéder aux événements du forum Systèmes alimentaires territoriaux (SAT), qui vise à "transformer notre relation à l'alimentation vers une seule santé", trois paliers de tarification sont disponibles.
"Nos visiteurs paient ce qu'ils croient être en mesure de payer et selon leur compréhension du système", explique la coordonnatrice, Florence Roy-Allard.
Instaurer la tarification sociale s'est fait facilement selon elle. "Dans un esprit d'inclusion et de facilitation de l'accès, la décision allait de soi", explique Mme Roy-Allard.
Elle avoue que la majorité des visiteurs ont opté pour le prix le plus bas. "Il y a de l'éducation à faire, précise-t-elle, pour que tous comprennent le fonctionnement et sachent se placer dans la bonne catégorie."
Au forum SAT, le choix de tarif demeure complètement anonyme pour éviter de marginaliser les individus. Cependant, la coordonnatrice est convaincue que "la perception qu'ont les personnes dans le besoin du regard des autres" est souvent erronée.
Florence Roy-Allard souhaite que la tarification sociale se répande dans plusieurs sphères de la société. "On parle d'alimentation et de transport, mais on aurait intérêt à implanter cette tarification dans les secteurs de l'événementiel et de la culture, par exemple."
Les bénéfices de telles mesures sont palpables. Par exemple, chaque dollar investi en ce sens permettrait de générer, pour la collectivité, des retombées de 12,25 $, selon une analyse de la politique de tarification sociale instituée par le transporteur public Calgary Transit.