Le nouveau rapport du GIEC, source d'écoanxiété
Apprendre à vivre avec ce sentiment qui nous submerge
Par Salomé Maari
La situation climatique est dans un état critique, et il faut agir maintenant, conclut le nouveau rapport de synthèse du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), publié lundi. Pour beaucoup de gens, la parution de ce document entraîne une exacerbation de leur écoanxiété.
C'est le cas de Camille Thibaudeau, une étudiante au certificat en écologie à l'UQAM. Elle dit de ne pas sentir assez d'urgences de la part du groupe d'experts, ce qui "ne [lui] donne vraiment pas espoir".
Selon la psychologue Inês Lopes, qui étudie le lien entre la psychologie et l'environnement depuis plus de 15 ans, "c'est sûr que pour beaucoup de gens [le nouveau rapport du GIEC] peut déclencher ou exacerber l'écoanxiété".
La peur de l'avenir
"Je veux des enfants, je veux une famille, je veux m'épanouir en tant que personne, et ça sonne tellement absurde de se dire qu'à cause de l'état physique du monde, je ne pourrai peut-être pas faire ça", lance Camille, émotive.
"C'est un concept qui est nouveau pour notre génération, continue l'étudiante de 25 ans, et on porte tout le poids de ça, de se dire : "Je ne sais pas si ce que je suis en train de faire vaut vraiment la peine, parce que peut-être que dans cinquante ans, je vais être en train de me battre pour ma vie et pour la vie autour de moi parce qu'on n'a pas été capable d'arrêter d'exploiter.""
Ce que vit Camille, c'est de l'écoanxiété, ce sentiment d'angoisse et de préoccupation qui nous submerge devant les bouleversements causés par les changements climatiques et l'appréhension de leurs conséquences. 73 % des Québécois de 18 à 34 ans se disent écoanxieux, selon un sondage Léger de 2021.
Un sentiment que l'on vit à sa façon
Selon le nouveau rapport du GIEC, entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes vivent dans un contexte de haute vulnérabilité aux changements climatiques. L'Afrique centrale, l'Asie du Sud, l'Amérique centrale, l'Amérique du Sud et les petites îles, sont des régions particulièrement à risque.
Inês Lopes souligne le fait que l'écoanxiété peut se présenter de façon très différente selon la personne et le contexte. Une personne qui a les deux pieds dans l'inondation, ou encore dont la maison a brûlé dans un feu de forêt vit les conséquences des changements climatiques bien concrètement, au présent. C'est ce que l'on nomme un écotrauma, explique-t-elle : "J'aime ça qu'on amène la perspective mondiale, culturelle [dans la discussion sur l'écoanxiété]. Des fois je me fais dire : "faut pas dramatiser, ce n'est pas si pire, l'écoanxiété". Mais ce n'est pas si pire pour qui?"
Un autre éventail d'émotions peuvent être vécues en lien avec l'écoanxiété : l'écostress, l'écofatique, la solastalgie (le deuil de ce qui a été perdu). De cette anxiété peuvent aussi émerger des émotions positives, telles que l'écomotivation et l'écoespoir.
Que faire de son écoanxiété?
"Quand j'ai des sentiments d'écoanxiété je deviens presque cynique. Mais pas d'un cynisme qui m'empêche d'avancer", relate Camille.
Au contraire, la jeune femme compte poursuivre ses études en biologie pour œuvrer dans le milieu de la conservation écologique. "C'est apaisant de me dire que je vais faire un travail qui va servir à quelque chose qui me tient à cœur", dit-elle.
Selon Inês Lopes, utiliser son écoanxiété (et les émotions d'écoespoir et d'écomotivation qui en découlent) comme force motrice vers le changement peut nous aider à l'apaiser.
Effectivement, pour calmer son écoanxiété, on peut choisir de "se concentrer sur ce qui donne de l'espoir, sur les pistes de solutions, ou sur ce qui s'améliore." En s'impliquant dans des actions collectives, on peut sentir que l'on fait partie de la solution, et qu'on va dans la bonne direction.