Avaler les montagnes : La femme chinoise mise au premier plan

Avaler les montagnes : La femme chinoise mise au premier plan 

Avaler les montagnes : La femme chinoise mise au premier plan
Une partie des oeuvres de la deuxième alcôve, plus précisément les chaises vident, représente la séparation qu'on du vivre les familles chinoises avec l'adoption de la loi pour Karen Tam (Photo : Magali Brosseau)

Par Magali Brosseau

Pour souligner le 100e anniversaire de l'adoption de la Loi de l'immigration chinoise, visant à interdire pratiquement toute forme d'immigration chinoise au Canada, l'artiste Karen Tam présente son exposition Avaler les montagnes.

Cette dernière explore le silence dans les archives publiques et les récits historiques des femmes du quartier chinois de Montréal et de leur place aux 19e et 20e siècles. L'artiste s'est penchée sur l'adoption de la loi ainsi que la taxe d'entrée qui a entraîné un fort déséquilibre dans la proportion de femmes au sein des communautés sino-canadiennes, puisqu'on interdisait à celles-ci d'aller rejoindre leurs maris au pays.

L'exposition Avaler les montagnes est divisée en quatre alcôves qui racontent différents aspects de l'histoire et de la culture chinoise. Chaque section a été inspirée par une femme bien précise.

Un premier pas dans l'histoire chinoise

En entrant dans l'espace, on entend la pièce La piété filiale qui émeut le ciel des artistes d'opéra cantonais TANG Bik-wan et Sun Ma Sze Tsang. L'opéra cantonais et le théâtre de marionnettes d'ombres chinois font partie des nombreuses formes de théâtre chinois traditionnelles importantes pour la communauté chinoise. C'est pourquoi Karen Tam a décidé de les mettre de l'avant dans la première alcôve que nous rencontrons en entrant dans la pièce.

La deuxième alcôve est divisée en trois sections avec trois découpes de fenêtres. Dans la première fenêtre, on voit deux fauteuils chinois vides et le portrait des grands-parents de l'artiste au-dessus de ceux-ci. Originalement, ces portraits étaient accrochés dans la maison ancestrale de la famille à Taishan, en Chine.

La fenêtre du milieu contient le caractère de double bonheur qu'évoque la célébration des  mariages. Ce symbole est très important dans la culture chinoise, puisqu'il représente une certaine perspective et la philosophie de la vie.

Finalement, on retrouve dans la troisième fenêtre un manteau que l'artiste a cousu en s'inspirant des costumes d'opéras cantonais et d'un patron de kimono qu'elle a vu sur la couverture d'une revue française.

La commercialisation d'une culture

La troisième alcôve est inspirée des magasins de souvenirs, mais plus précisément d'une ancienne boutique qui était située au magasin Eaton à l'époque. On y retrouve de multiples objets tels que des publicités des boutiques, une peinture en coquillages, des images brodées et plusieurs autres.

Cette section de l'exposition a été inspirée des sœurs Yuen, qui ont décidé d'ouvrir leur propre boutique à l'extérieur du quartier chinois pour représenter la culture chinoise en 1949. Pour l'artiste, cette volonté des deux sœurs est très révélatrice de leur force.

La dernière alcôve est inspirée de vestes et de manteaux de soirée de style " chinoiserie ". Avec cette alcôve, l'artiste souhaitait « contester cette idée “d'exotisation” d'une culture, qui est pourtant si loin de la réalité que vivaient les femmes chinoises au Canada : la discrimination et le racisme ». Selon elle, au début du 20e siècle, les femmes blanches ont commencé à avoir un intérêt pour le côté exotique de la mode chinoise.

Dans cette alcôve, on retrouve un hommage à Edith et Winifred Eaton, qui, malgré le racisme qu'elles ont vécu, ont décidé de mettre de l'avant leurs origines chinoises. Ces dernières sont considérées comme étant les pionnières de la littérature asiatique nord-américaine.

Représenter l'histoire à travers l'art

À travers les créations de l'artiste, on y retrouve des photos et des documents historiques tels que les papiers de migrations de son arrière- grand-père qui fut le premier à arriver au Canada en 1907. Pour elle, ces documents sont d'une importance capitale, puisqu'ils sont une preuve du chapitre « extrêmement sombre » de leur histoire.  Pour la communauté chinoise, l'adoption de la loi sur l'exclusion des Chinois est synonyme de « jour de l'humiliation », mentionne Karen Tam lors d'une entrevue avec Tomi Grgicevic.

L'un des objectifs de l'artiste derrière son exposition est d'amener différentes communautés à réfléchir aux récits cachés de leur communauté et aux contributions que les femmes de leur communauté à Montréal.

L'exposition Avaler les montagnes de Karen Tam sera présentée au Musée McCord Stewart du 17 février au 13 août 2023 dans le cadre de son programme Artiste en résidence.